Aborder la participation de la pêche commerciale sur les questions socio-économiques de la pêche commerciale
Présenté par Michael Gardner, Gardner Pinfold Consultants Inc., Halifax, Janvier 2021
Sur cette page
- Avertissement
- 1 Contexte
- 2 Politiques de gestion dans les pêches de l’Atlantique et du Pacifique
- 3 Application des politiques des pêches dans la région du Pacifique
- 3.1 Politiques de l’Atlantiques conçues pour soutenir les pêcheurs indépendants
- 3.2 Points de vue des parties prenantes des pêches du Pacifique sur la mise en œuvre des politiques de l'Atlantique
- 3.3 Lessons learned from implementing PIIFCAF policies
- 3.4 Changes to Pacific fisheries management to implement Atlantic-type policies
- 3.5 Mesures administratives et application de la loi
- Notes de bas de page
Avertissement
Lors de la préparation de ce rapport, le consultant a tiré partie de discussions avec des représentants du MPO et de l'industrie et tient à les remercier de leur contribution.
Cependant, l'analyse, les observations et les conclusions ont été faites seulement par le consultant. Le consultant assume également la responsabilité de toute erreur ou omission.
1. Contexte
1.1 But et objectifs
Le Comité permanent de la Chambre des communes (le « Comité ») des pêches et des océans a réalisé une étude en 2019 pour examiner la réglementation des pêches sur la côte du Pacifique. Cette initiative fait suite à des témoignages concernant la politique de délivrance de quotas entendus par le Comité en 2018 lors de son examen du projet de loi C-68 (une loi modifiant la Loi sur les pêches). Dans son étude, le Comité a entrepris d'examiner :
… la réglementation des pêches de la côte ouest, concernant plus particulièrement les permis de pêche, les quotas et les politiques de séparation de la flottille et de propriétaire-exploitant, afin d'évaluer l'impact du régime actuel sur les résultats de la gestion des pêches, la répartition des avantages économiques générés par l'industrie, les aspirations des pêcheurs et de leurs communautés, et de fournir au gouvernement des options et des recommandations pour améliorer ces résultats.
Dans le rapport qui a suivi, Pêches de la côte ouest : Partager les risques et les bénéfices, le Comité a formulé 20 recommandations. Elles ont pour objectif de remédier à plusieurs problèmes : le manque de transparence du cadre de gestion des pêches ; les obstacles auxquels font face les nouveaux pêcheurs pour débuter dans les pêcheries ; la faible viabilité de nombreuses entreprises de pêche ; et le partage inéquitable des risques et des avantages entre les participants de l'industrie.
Le but de cette étude est de donner une réponse à la recommandation 6 du Comité qui indique que :
Pêches et Océans Canada devrait mette au point une analyse comparative des règlementations des pêcheries de la côte est et de la côte ouest en vue d'élaborer une politique qui uniformiserait les règles du jeu pour les pêcheurs indépendants de la Colombie-Britannique.
Le principal objectif du rapport est de comparer les politiques et les règlementations des pêcheries en vigueur sur les côtes canadiennes de l’Atlantique et du Pacifique et d’identifier les dispositions susceptibles d’apporter un soutien supplémentaire aux pêcheurs indépendants de la Colombie-Britannique.
1.2 Cadre
L'étude intègre les résultats suivants pour atteindre ces objectifs :
- passer en revue les politiques et les règlementations des pêcheries en vigueur sur les côtes canadiennes de l'Atlantique et du Pacifique et identifier les dispositions visant à garantir que les pêcheurs actifs et les communautés tirent des bénéfices de la récolte du poisson, et les dispositions qui favorisent une répartition équitable des bénéfices entre les personnes impliquées dans la pêche ;
- identifier les facteurs ayant contribué aux différentes tendances de la valeur au débarquement dans les pêcheries des côtes de l'Atlantique et du Pacifique entre 2000 et 2015 notés dans le rapport du Comité, puis analyser l'influence des politiques et des réglementations des pêcheries sur ces tendances ;
- élaborer une liste des pêcheries auxquelles s’applique la politique de préservation de l’indépendance de la flottille côtière dans les pêches de l’Atlantique du Canada (PIFCPAC), et une liste des pêcheries de l’Atlantique auxquelles ne s’applique pas la politique de PIFCPAC, puis fournir une justification pour chaque dérogation ;
- identifier les autres politiques et règlementations de l'Atlantique susceptibles d’apporter un soutien supplémentaire aux pêcheurs indépendants de la Colombie-Britannique ;
- mettre l’accent sur les leçons tirées de l'expérience des pêcheries de l'Atlantique qui pourraient aider à mieux examiner la façon d'appliquer en Colombie-Britannique les politiques et les règlementations de pêche de l’Atlantique, puis à identifier les changements spécifiques à apporter à la gestion des pêches du Pacifique afin de mettre en œuvre en Colombie-Britannique les politiques et les règlementations des pêcheries de l’Atlantique ; et
- répertorier les mesures administratives et de mise en application de la loi qui seraient nécessaires pour mettre en œuvre en Colombie-Britannique les politiques et les règlementations de pêche de l’Atlantique.
Les points de vue des Premières nations, principaux intervenants dans les pêches du Pacifique, ne sont pas pris en compte dans cet examen. Ceci pour deux raisons : premièrement, parce que ce rapport se concentre principalement sur les politiques et les règlementations des pêcheries de l'Atlantique mis en vigueur en vertu de la politique de PIFCPAC dont les dispositions s'appliquent aux pêcheurs commerciaux mais pas aux Premières nations du Canada de l’Atlantique ; deuxièmement, et c’est sans doute le plus important, parce que la question de la participation des Premières nations aux pêches sur les deux côtes, notamment le cadre politique et réglementaire en vigueur, exigerait une étude spécifique plutôt qu’un examen rapide.
2. Politiques de gestion dans les pêcheries de l’Atlantique et du Pacifique
2.1 Aperçu statistique
Avant de se plonger dans les détails arides des politiques de gestion des pêcheries sur les côtes de l’Atlantique et du Pacifique, il peut être utile de donner respectivement un aperçu général de la situation des pêcheries à l'aide des statistiques les plus importantes. Bien qu’elles soient utiles pour mettre en évidence les différences de structure et d’envergure, il est nécessaire de les interpréter pour comprendre comment elles ont contribué au développement de la politique des pêcheries sur les deux côtes. Un point important à noter est que les pêcheries de l’Atlantique sont divisées en secteurs de flottilles de pêche côtière (<65 ’) et hauturière (> 100’) (avec quelques bateaux de pêche semi-hauturière pour les deux). Ce rapport se concentre sur le secteur de la côte en raison de ses similitudes avec les pêches du Pacifique en termes de taille des bateaux et de types d'engins.
Les graphiques ci-dessous présentent des statistiques de grande qualité illustrant les différences de taille des pêcheries. Les pêcheurs du Pacifique ont débarqué moins du quart du tonnage de leurs homologues de l'Atlantique en 1990 ; en 2018, ils en ont débarqué un tiers. Les débarquements de la côte Atlantique ont diminué de plus de la moitié, passant de 1,3 million de tonnes en 1990 (principalement en raison de l'effondrement des stocks de poissons de fond) à un peu moins de 600 000 t en 2018. Les débarquements sur la côte du Pacifique ont également diminué globalement au cours de cette période, mais proportionnellement moins : d’environ 300 000 t à un peu moins de 200 000 t. Les fortes fluctuations des débarquements de poissons de fond dans le Pacifique étaient presque entièrement attribuables au dynamisme d’une pêche au merlu ayant lieu périodiquement.
Les débarquements de mollusques et crustacés ont doublé sur la côte de l’Atlantique tout en restant assez stables sur celle du Pacifique. Les débarquements pélagiques ont chuté de plus de la moitié sur les deux côtes, cela a eu de graves répercussions sur les flottilles de pêche au saumon des pêcheries du Pacifique. L'impact du changement sur l’abondance des espèces apparaît plus nettement lorsqu'il est considéré en termes de valeur. La valeur totale des débarquements dans les pêches de l'Atlantique a été multipliée par 3,3 (dollars courants) entre 1990 et 2018, passant de 950 millions de dollars à 3,2 milliards de dollars (graphiques 2A et 2B). En revanche, la valeur au débarquement des pêcheries du Pacifique a été multipliée par 1,1, passant de 470 à 500 millions de dollars.
Graphique 1 : Débarquements des pêches de l’Atlantique et du Pacifique 1990-2018
Graphique 2 : Valeur des débarquements des pêches de l’Atlantique et du Pacifique 1990-2018
Les graphiques 2C et 2D illustrent l'impact au fil du temps de l'élimination des effets de l'inflation sur la valeur au débarquement. Notez la différence dans l’échelle des valeurs qui est 5 fois plus grande entre les graphiques 2A et 2C, et 2B et 2D. En supprimant l'inflation (en utilisant le $ de 2002), la valeur au débarquement avant 2002 est plus élevée mais après 2002 elle est inférieure. La valeur au débarquement est plus faible les années précédentes et plus élevée ces dernières années, reflétant plus fidèlement leurs valeurs relatives en termes réels. Bien que la forme générale des courbes ne change pas, la suppression de l'inflation fournit une indication plus précise du changement réel au fil du temps : la valeur totale des débarquements dans les pêcheries de l'Atlantique a été multipliée par 2,0 entre 1990 et 2018 (graphiques 2C), alors que la valeur au débarquement dans les pêcheries du Pacifique a chuté de presque 40% (graphiques 2D).
Pour les pêches de l'Atlantique, le changement dans la composition des espèces au cours des 30 dernières années a entraîné une transformation radicale, la faisant passer d'une industrie dépendante des poissons de fond dont la valeur était relativement faible mais générant un grand nombre d'emplois, à une industrie dépendante des crustacés dont la valeur est élevée mais générant un petit nombre d’emplois (graphique 2A / 2C). Cela est dû principalement à la pêche au homard (> 99% capturé par les bateaux de pêche côtière), au crabe des neiges (capturé exclusivement par le secteur de pêche côtière), et dans une moindre mesure à la crevette et au pétoncle (capturés par les bateaux de pêche côtière et hauturière).Footnote 1 Il est certain que des conditions environnementales favorables ont joué un rôle majeur pour expliquer une augmentation de l'abondance des mollusques (associée au déclin des poissons de fond dû à la surpêche). Mais la forte hausse des prix du homard avec le développement du marché chinois a été un facteur majeur de croissance de la valeur depuis 2010.
La transformation des pêches du Pacifique a été marquée principalement par la baisse des stocks de saumon et de la pêche aux œufs de hareng dont la valeur combinée (en dollars nominaux) a chuté d'environ les deux tiers depuis 1990 (336 à 104 millions de dollars). La baisse des débarquements a été compensée dans une certaine mesure par la hausse des prix des principales espèces au cours des dernières années (principalement le crabe, la crevette et le flétan). Cet impact récent sur le marché est évident en comparant les débarquements du graphique 1 à la valeur au débarquement, en particulier l'impact en dollars constants du graphique 2D.
Les changements dans les débarquements, illustrés dans les graphiques 1 et 2, se sont produits avec comme toile de fond des modifications dans la participation de l'industrie sur les deux côtes, en particulier la diminution du nombre de pêcheurs et de bateaux (tableau 1).Footnote 2
Tableau 1 : Statistiques clés des pêcheries de l'Atlantique et du Pacifique de 2000 et 2018
- | Atlantique | Pacifique | ||||
---|---|---|---|---|---|---|
- | 2000 | 2018 | % change | 2000 | 2018 | % change |
Bateaux (nombre) | 20,200 | 15,946 | -21% | 3,446 | 2,351 | -32% |
Permis (nombre) | 76,589 | 75,755 | -1% | 7,834 | 6,192 | -21% |
Titulaires de permis (nombre) | 11,987 | 9,854 | -18% | 8,760 | 5,462 | -38% |
Débarquements (tonnes) | 855,305 | 593,249 | -31% | 147,782 | 191,227 | 29% |
Valeur débarquée (000$ 2002=100) | ||||||
Total | 1,677,665 | 4,214,000 | 151% | 339,352 | 665,873 | 96% |
Pêche côtière seulement | 1,238,334 | 3,340,318 | 170% | - | - | - |
Valeur/titulaires permis (2002$=100) | ||||||
Total | 139,957 | 427,644 | 206% | 38,739 | 121,910 | 215% |
Pêche côtière seulement | 103,306 | 338,981 | 228% | - | - | - |
Table 1: credits
Bateaux : pour l’Atlantique, seulement ceux de la pêche côtière sont inclus ; pour le Pacifique tous sont inclus.
Permis : pour l’Atlantique, la totalité des permis de pêche d’espèces spécifiques est incluse ; pour le Pacifique, les permis rattachés à un bateau et à une partie sont inclus.
Titulaires de permis : pour l’Atlantique, les entreprises du noyau et les entreprises indépendantes du noyau sont incluses ; pour le Pacifique, toutes sont inclus. Le nombre de membres d’équipage n’est pas inclus.
Débarquements : poissons en poids vif. Pour l’Atlantique, les pêches côtières et hauturières sont incluses (la source des donnés ne se divise pas). Pêche côtière estimée à 50% du total en 2018.
Valeurs débarquées : pour le total de l’Atlantique, les pêches côtières et hauturières sont incluses (données de secteur non disponibles à partir des données du MPO publiées).
Pêche côtière seulement : répartition estimée par le consultant en utilisant des ratios constants (par espèce) de la valeur au débarquement pour les espèces récoltées par les deux secteurs.
Valeur ($)/Titulaires de permis : obtenue en divisant la valeur au débarquement de la pêche côtière par le nombre de titulaires de permis de pêche côtière.
Le nombre de titulaires de permis, de bateaux et de permis a diminué dans les deux régions depuis 2000, avec des baisses plus importantes dans le Pacifique pour chaque indicateur. Dans un contexte d'activité réduite de l’industrie, la valeur des débarquements (en dollars constants de 2002) a augmenté de 28% dans l'Atlantique, elle n’a pratiquement pas inchangé dans le Pacifique. Mais l'indicateur le plus significatif est la valeur au débarquement par titulaire de permis ; elle a augmenté globalement de 56% dans les pêches de l'Atlantique contre 61% dans le Pacifique. Le pourcentage d'augmentation de la valeur au débarquement par rapport au titulaire de permis pour le secteur côtier de l'Atlantique seul a augmenté de 68%, en grande partie en raison de l'augmentation substantielle de la valeur de la pêche au homard et au crabe des neiges après 2000.Footnote 3
Quelles déductions peut-on tirer de ces données ? Le Comité permanent de la Chambre des communes, s'appuyant sur un rapport d'Ecotrust Canada et de la T. Buck Suzuki Environmental Foundation, a noté que « […] les données suggéraient qu'il n'y avait pas de croissance de la pêche en Colombie-Britannique alors que les pêches du Canada de l’Atlantique et de l'Alaska ont connu une croissance significative de leurs valeurs au débarquement » .Footnote 4 Le rapport Ecotrust lui-même note : « Un examen des prises débarquées en Colombie-Britannique au cours des quinze dernières années montre une baisse de valeur et une tendance constante en volume. À l'inverse, le volume des pêches de l'Atlantique a diminué, mais elles ont vu une augmentation de la valeur globale. Il est frappant de constater que cette plus grande valeur réalisée pour une prise en baisse est quelque chose que la Colombie-Britannique n'a pas réussi à atteindre. »Footnote 5
Le Comité permanent a inclus le graphique de l'Ecotrust/T. Rapport de Buck Suzuki dans son propre rapport compte tenu de son importance dans l’ensemble de l’exposé. Il est reproduit ci-dessous.
Schéma 1—Volumes et valeurs débarqués entre 2000 et 2015 par rapport à 2000
Ce graphique (schéma 1) est présenté à titre indicatif, les valeurs annuelles sont exprimées en pourcentage de la valeur d'une année de base, en l'occurrence celle de 2000. Pour les années en question (2000-2015), il repose sur les mêmes données des débarquements régionaux du MPO utilisées pour produire les graphiques 1A et 2A/2B ci-dessus. En d'autres termes, si les données annuelles pour la période 2000-2015 étaient utilisées et indexées à 2000, ces dernières sembleraient identiques à celles de la Colombie-Britannique et de l'Atlantique dans le schéma 1 ci-dessus. [Pour donner une meilleure perspective, le graphique 1 (ci-dessus) ramène les données aux années 90, lorsqu'un effondrement des stocks de poissons de fond de l'Atlantique et de saumon du Pacifique a entraîné une chute brutale des débarquements et des valeurs au débarquement sur les deux côtes.] La suppression de l'impact de l'inflation (une forme d'indexation) fournit une mesure plus précise des changements au fil du temps. En termes réels, la valeur totale des débarquements des pêcheries du Pacifique a presque doublé entre 2000 et 2018 (tableau 1 ci-dessus). En raison de la baisse du nombre de titulaires de permis, la valeur moyenne au débarquement par titulaire de permis a augmenté d’un facteur (± 60%) comparable à celui des pêcheurs côtiers de l'Atlantique (tableau 1 ci-dessus).
Le point essentiel dans tout cela est que ces données agrégées ont peu d’intérêt lorsqu’il s’agit de tenter de démêler l'impact des différences dans les politiques de la pêche sur le revenu des pêcheurs de l'Atlantique et du Pacifique. La bonne performance des pêcheries de l'Atlantique peut s'expliquer principalement de deux façons : premièrement, ce sont des changements environnementaux et écosystémiques à grande échelle qui ont contribué à l'effondrement des stocks de poissons de fond tout en favorisant une augmentation substantielle de l'abondance de trois espèces de crustacés intrinsèquement plus précieuses (le homard, le crabe des neiges et la crevette nordique) ; et deuxièmement, une augmentation substantielle de la valeur marchande à l’unité de ces espèces ces dernières années (qui s'est répercutée sur les pêcheurs par des prix à terre plus élevés). La pêche en Colombie-Britannique a connu un déclin de l'abondance des principales espèces tout aussi dévastateur (saumon, hareng) après 1990, mais pas une augmentation correspondante des débarquements (et de la valeur) d'autres espèces qui aurait plus que compensé la perte (comme dans l'Atlantique).
En outre, les données agrégées sur les débarquements ont peu d’intérêt lorsqu’il s’agit d’isoler les impacts des politiques sans que l’on sache vraiment comment les prix à terre sont fixés, et comment la répartition de la valeur brute des débarquements est faite entre les différents détenteurs d'intérêts dans le permis. Dans les pêcheries de l'Atlantique et du Pacifique, les prix des bateaux ont tendance à être étroitement liés à l'évolution des marchés de produits, soit par des forces concurrentielles sur les marchés portuaires, soit par la négociation collective. Les deux approches ont en commun un secteur de de pêche bien informé du mouvement des prix sur les marchés de produits et de ce que les transformateurs/acheteurs paient réellement à terre un jour donné. L'indépendance des flottilles vis-à-vis des transformateurs/acheteurs joue un rôle primordial dans le maintien d'un environnement concurrentiel sur la côte atlantique. Cela ne veut pas dire que le secteur de la transformation/de l’achat est à l’abri de la tentation d’agir de manière collusoire pour essayer de contrôler les prix. Mais de telles tentatives ont tendance à ne pas fonctionner car il s'avère impossible de garantir une coopération totale ou continue étant donné le manque de regroupement des transformateurs/acheteurs dans des pêcheries comme celles du homard et du crabe. Si un regroupement des acheteurs existait, les prix pourraient être inférieurs à ceux qui sont déterminés de manière concurrentielle.
Le deuxième frein important - reposant sur la valeur brute des débarquements - pose un problème car cette mesure peut surestimer ou sous-estimer la rémunération du bateau. Si par exemple, l'exploitant du bateau ne détient pas de quota mais qu’il paie pour le louer, alors la valeur au débarquement surévalue ce que l'on entend normalement comme un gain revenant au bateau pour couvrir les dépenses d'exploitation, notamment celles afférant à l'équipage. À l'inverse, lorsque les accords d'approvisionnement avec les acheteurs incorporent des paiements aux propriétaires de bateaux qui ne sont pas exprimés en prix à terre, alors les gains du bateau seraient sous estimées. Les deux pratiques existent à un degré plus ou moins grand dans les pêcheries de l'Atlantique et du Pacifique.
2.2 Pêcheries de l’Atlantique
Élaboration des politiques depuis les années 1970
Les règles actuelles régissant la délivrance de permis pour participer aux pêcheries de l'Atlantique ont commencé à prendre forme au milieu des années 1970 alors que l'industrie luttait contre les effets combinés de la baisse des stocks de poisson, de la faiblesse des marchés, de la surcapacité et de la hausse des coûts du carburant. La Politique des pêcheries commerciales du Canada de 1976 notait que,
« Beaucoup de problèmes sont inhérents à la structure de l’industrie. L'industrie de la pêche a été trop souvent instable, responsable de sa faiblesse, sujette à des crises et fournissant une source de revenus inadaptée et presque toujours précaire à ceux qui y travaillent. » (p. 3)
La Politique a abordé une série de problèmes auxquels l'industrie était confrontée et a recommandé une stratégie interventionniste pour y faire face, notamment en mettant l'accent sur la reconstruction de l'industrie. Elle a poursuivi en observant qu'une certaine forme de reconstruction était inévitable et qu'elle se produirait soit de façon ordonnée sous les auspices du gouvernement, soit grâce à l'action des forces du marché.
« Bien que la pêche commerciale soit depuis longtemps une activité extrêmement réglementée au Canada, l'objet de la réglementation portait, à de rares exceptions près, sur la protection de la ressource renouvelable. En d'autres termes, la pêche a été réglementée dans l'intérêt des poissons. À l'avenir, il doit être réglementé dans l'intérêt des personnes qui dépendent de l'industrie de la pêche. Cette nouvelle orientation implique implicitement une intervention plus directe du gouvernement dans le contrôle de l'utilisation des ressources halieutiques, dès l’instant où elles sont pêchées et jusqu’à ce qu’elles arrivent dans nos assiettes ... » (p. 5)
La façon dont l'approche interventionniste a été mise en œuvre impliquait des contrôles sur l'effort de pêche, de même que sur la structure de propriété et le fonctionnement des entreprises de pêche et de transformation. Les objectifs visaient à créer de la richesse en particulier dans le secteur de la pêche côtière et à la diffuser le plus largement possible.
Augmentation de la capacité et contrôle de l'effort
L'idée maîtresse de la politique de développement de la pêche côtière est mieux résumée par les paroles du ministre des Pêches en 1978 :
Considérant la limite des 200 milles qui forme une ceinture partant de la côte, nous devons évaluer avant tout les avantages qu’elle fournit à ceux qui vivent sur la côte. Lorsque nous répartissons ces quelques millions de tonnes de poisson, les revendications des communautés et des pêcheurs de la côte doivent être prioritaires. Au lieu de commencer par le déploiement de grands bateaux hauturiers qui interrompront la future croissance de la pêche côtière, nous devons rebâtir en partant d’une flottille indépendante et côtière. Nous devons fournir et garantir au pêcheur de la côte une plus grande quantité de poisson. Lorsque ce pêcheur commence à gagner de l'argent, il peut alors utiliser des bateaux qui lui donnent plus de mobilité et qui lui permettent d’augmenter ses prises et de prolonger sa saison de travail (LeBlanc, 1978, en italique pour mettre en exergue).Footnote 6
Il est en même temps difficile de concilier la dernière partie de cette affirmation avec les préoccupations existantes liées à la surcapacité (et l’orientation générale de la politique de 1976 en matière de restructuration), le sentiment qui transperce dans cette déclaration a influencé la gestion des pêcheries et le partage des ressources sur la côte de l’Atlantique la décennie suivante. Cela a eu un impact majeur sur la politique d'allocation et de délivrance de permis puis, par la suite, cela a créé une incitation à investir davantage dans la flottille et la capacité de traitement dans les secteurs de pêche côtière et hauturière.
Les années suivantes ont été marquées par des conflits durs sur la répartition entre les secteurs de la pêche côtière et de la pêche hauturière, mais aussi au sein de divers secteurs utilisant des engins sur la côte. Dans un contexte d’expansion de la capacité, la pêche a été déstabilisée. Cela a compliqué la tâche déjà difficile de gestion des ressources et, au début des années 80, la stratégie de pêche conservatrice du Canada a été littéralement ébranlée. L’augmentation des capacités et les conflits sectoriels ont rendu de plus en plus difficile la fixation de TAC prudents et le contrôle des captures dans le cadre des allocations.Footnote 7
Un examen de la politique de délivrance des permis en 1981 a débouché sur l’approbation du concept d’accès limité tout en sachant qu’il ne serait pas possible de limiter l’augmentation de la capacité et de l'effort de pêche. Plusieurs options pour résoudre le problème ont été examinées, notamment l'idée, alors nouvelle, d’exercer des contrôles sur la production (quotas individuels) plutôt que sur les intrants (bateaux et engins). L'utilisation de quotas individuels gagnait du terrain parmi les gestionnaires des pêcheries et les universitaires en tant que moyen plus efficace de promouvoir l'efficacité économique. Ce concept a été écarté lors de l'examen de la politique de délivrance des permis de 1981 qui a conclu que le moment n'était pas encore venu (Levelton, 1981). Le MPO s'est plutôt concentré sur le contrôle des intrants, en particulier sur les restrictions touchant le remplacement des bateaux.
La politique de délivrance des permis a pris forme dans les années 80 à la suite d'examens réalisés en 1979 et 1981. Ceux-ci ont formé la base d'un document de travail (Politique de délivrance de permis de pêche commerciale pour l'Est du Canada, 1985), suivi d'un Projet de politique de délivrance de permis de pêche commerciale pour l'Est du Canada en 1988 pour aboutir à l’annonce officielle d’une politique en 1989, la Politique de délivrance de permis de pêche commerciale pour l'Est du Canada. Avec quelques modifications pour faire face aux problèmes de gestion émergents, la politique de 1989 a été rééditée en 1990 et 1992.
Après l'examen des programmes en 1995, la politique a été mise à jour en 1996 pour refléter les différentes priorités suite à l'effondrement des stocks de poissons de fond. La durabilité des ressources et la viabilité économique sont demeurées des objectifs primordiaux, mais le développement de la flottille a été abandonné au profit de la réduction de la capacité de pêche, de l'amélioration de la viabilité économique des participants et de la prévention de toute croissance future de la capacité.
Ce changement d'objectifs était important. En effet, cela indiquait que le MPO reconnaissait qu’il fallait prendre des mesures pour réduire la demande sur la ressource et les attentes concernant ce que la pêche pouvait fournir pour que la durabilité et la viabilité se réalisent. À ces fins, un programme de rachat a été mis en œuvre. Au début des années 90, les premières étapes pour introduire des approches de gestion fondées sur le marché (QI et QIT) ont obtenu un plus large soutien.
La Politique a également jeté les bases d'une relation différente avec l'industrie de la pêche, une relation qui visait à donner à l'industrie plus de responsabilité dans les décisions opérationnelles affectant les pêcheries. Les éléments essentiels de la politique de délivrance de permis qui déterminaient la structure de l'industrie - politiques de séparation de la flottille et de propriétaire-exploitant - et le comportement concurrentiel qui découlait de cette structure ont été resserrés dans le cadre de la Politique de 1996.
Séparation des flottilles
Le MPO a franchi une étape importante à la fin des années 1970 dans la définition de la structure de l'industrie : l'introduction de la séparation des flottilles. Cette politique - annoncée en 1977 et mise en œuvre en 1979 - interdisait essentiellement aux usines de transformation de posséder et d'exploiter des bateaux de pêche côtière. Elle a été introduite pour protéger les intérêts des pêcheurs, notamment en ce qui a trait à la fixation des prix à terre ; c’était la réponse du MPO à l’effet de déséquilibre des pouvoirs perçu entre les secteurs de la transformation et de la pêche.Footnote 8
Comme indiqué dans la politique de délivrance des permis de pêche commerciale de 1989, la politique de séparation des flottilles stipulait simplement que « … les nouveaux permis de pêche pour la pêche côtière ne peuvent pas être délivrés aux entreprises impliquées dans le secteur de la transformation de l'industrie. » Ce même libellé apparaît dans les éditions de 1990 et 1992 de la politique, mais le libellé a changé dans l'édition de 1996 : « … les nouveaux permis de pêche destinés aux pêcheries où seuls les bateaux de moins de 19,8 m (65 pi) de LHT sont autorisés, ne peuvent pas être octroyés aux sociétés, notamment celles impliquées dans le secteur de la transformation… » (en italique pour mettre en exergue)
Le MPO interdisait aux sociétés d'être nommées dans le permis car c'était une violation de la politique de propriétaire-exploitant. Cette pratique, bien que destinée à empêcher une intégration verticale, a eu un impact négatif sur les exploitants qui s'étaient constitués en société pour profiter des avantages fiscaux offerts à d'autres secteurs de l'économie. Les exploitants constitués en société n'ont pas pu faire mentionner leur entreprise dans le permis jusqu'à ce que la mise en œuvre de la politique sur la délivrance de permis aux entreprises soit entrée en vigueur en 2011.Footnote 9 Cette politique permettait seulement à un type spécifique de société de devenir titulaire du permis, c'est-à-dire une entreprise qui appartenait à 100% à un titulaire de permis admissible.
La séparation des flottilles visait à maintenir une certaine structure industrielle et à organiser l'activité d'une certaine manière. La concurrence pour les matières premières profitait aux pêcheurs même si la différence, que la politique elle-même a faite au départ, n'était pas claire car elle avait été introduite à une époque (1979) où peu de bateaux côtiers appartenaient à des entreprises de transformation. Peu d'entreprises ont vu un avantage dans l'intégration verticale. Cela a changé au fil du temps car l'accès dans le secteur de la transformation s'est accru et la concurrence pour les matières premières s'est intensifiée, toutes les pêcheries principales étant soumises à un accès limité. En d'autres termes, le nombre d’acheteurs et de plus gros acheteurs augmentait à mesure que le nombre de vendeurs restait fixe (ou diminuait en raison de programmes de rachat ou d'initiatives de rationalisation de la flottille). La conséquence involontaire de ce déséquilibre était que le prix avait cessé d'influencer le calendrier et la qualité des débarquements de poissons. Le rôle que le prix joue à plusieurs égards dans d'autres industries (c.-à-d. la hausse et la baisse des prix en réponse à l'interaction entre la demande et l'offre, la récompense de la qualité, etc.) est visiblement absent dans les pêcheries de l'Atlantique.Footnote 10
Dans ces circonstances, les transformateurs se sont trouvés dans une position faible pour répondre aux changements de la demande des marchés de produits (que ce soit en ce qui concerne la quantité, la qualité ou la forme du produit). Faute d'un accès direct à la ressource, ils ont naturellement tenté de développer d'autres mécanismes pour fidéliser les bateaux. Les usines fournissaient un large éventail de services opérationnels et financiers, notamment des prêts pour financer des bateaux et des paiements dissimulés de primes. Mais quelle que soit la méthode utilisée, les usines devaient encore payer le prix à terre en vigueur ou risquer de perdre le bateau au profit d'un concurrent. Ces pratiques ont fonctionné jusqu'à un certain point, mais n'ont pas atteint le niveau de sécurité nécessaire pour élaborer des plans d'affaires efficaces.Footnote 11
Le permis lui-même est devenu progressivement l'objet d'un financement (à la fin des années 1980), à mesure que les prix des permis les plus précieux augmentaient (en raison de l'amélioration des conditions des ressources et du marché) et que la demande augmentait par rapport à l'offre (en raison initialement d'un accès limité, puis de l’entrée du MPO sur le marché des permis à la suite à la décision dans l’affaire R. c. Marshall). Le permis est devenu un objet d'intérêt pour les transformateurs car il offrait une voie plus directe et plus sûre pour l'approvisionnement en matières premières.
Le financement conventionnel de l'achat d'un permis était une proposition relativement peu attrayante pour les prêteurs traditionnels en raison des conditions restrictives du permis. L'article 16 du Règlement de pêche (dispositions générales) stipule qu'un permis est la propriété de la Couronne et n'est pas transférable. Même si les titulaires de permis peuvent demander que le permis soit transféré à un nouveau destinataire, le permis est un privilège accordé par le MPO et n'est pas considéré comme un bien matériel. En fonction de la garantie exigée par un prêteur, avant l'arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Saulnier (2008)Footnote 12 établissant que les permis pouvaient être utilisés comme garantie pour les prêts, ils ne pouvaient pas faire grand-chose en cas de défaillance. Pour la plupart, cette restriction avait tendance à exclure l'accès au financement conventionnel.
À la fin des années 80, les accords de fiducie (AF) ont commencé à être utilisés pour obtenir un financement au sein de l'industrie de la pêche (usines de transformation et autres pêcheurs). Le titulaire du permis gardait le titre légal du permis, tandis que l'intérêt bénéficiaire dans le permis (l'utilisation de celui-ci) était transféré au prêteur/investisseur par contrat (AF) à titre de garantie. C’était un contournement de l'esprit de la loi et des politiques, mais c’était conforme à la lettre puisque le titre légal du permis appartenait au titulaire du permis comme prescrit par le règlement. Les accords de fiducies sont examinés plus en détail dans le contexte de la politique de préservation de l’indépendance de la flottille côtière dans les pêcheries de l’Atlantique du Canada (PIFCPAC) ci-dessous.
Politique de propriétaire-exploitant
La délivrance de permis a été un élément important de la gestion des pêcheries pendant des décennies avant l'ère moderne de gestion qui a commencé à la fin des années 70. Les dispositions relatives au statut de propriétaire-exploitant ont fait partie des éléments fondamentaux de la politique de délivrance de permis de l'Atlantique pendant 30 ans. Elles exigent que le titulaire de permis pêche personnellement en vertu du permis délivré en son nom (bien que des remplaçants soient autorisés dans des conditions précisées) et empêchent la concentration horizontale en limitant les titulaires de permis à un permis par espèce donnée. Ces dispositions ont été introduites à un moment où deux des objectifs de la politique étaient généralement de maximiser l'emploi dans la pêche (nominalement soumis aux conditions de la ressource) et pour veiller à ce que l’accès à la ressource soit équitable. Le statut de propriétaire-exploitant est devenu la règle pour la pêche au homard de l'Atlantique en 1980, il s'est étendu à d'autres pêcheries les années suivantes puis est devenu universel dans la politique de délivrance de permis de 1989 pour l'Est du Canada. Dans la politique de 1996 (Article 11), les dispositions stipulent que :
- pour les pêcheries qui ne peuvent utiliser que des bateaux de moins de 65 pieds, le permis sera délivré au nom d’un pêcheur individuel, Art.11 (6) ;
- les titulaires de permis qui ne peuvent utiliser que des bateaux de moins de 65 pieds seront tenus de pêcher personnellement en vertu de leurs permis, Art.11 (7) ;
- les titulaires de permis qui ne peuvent utiliser que des bateaux de moins de 65 pieds ne pourront détenir qu’un seul permis pour une espèce donnée, Art.11 (8).
Suite à l'examen des programmes en 1995, la politique a été mise à jour pour tenir compte des différentes priorités. La durabilité des ressources et la viabilité économique sont restées les objectifs primordiaux, mais l'accès équitable et le développement des flottilles ont été abandonnés au profit de la réduction de la capacité (qui s’était développée au-delà de ce que de nombreuses pêcheries pouvaient supporter) et de la prévention d’une croissance ultérieure. Ce changement d'objectifs était important, en effet cela indiquait que le MPO reconnaissait qu’il fallait prendre des mesures pour réduire la pression de la demande sur la ressource et les attentes sur ce que la pêche pouvait fournir, pour que la durabilité et à la viabilité soient effectives. La politique a également jeté les bases d'une relation différente avec l'industrie de la pêche, une relation qui visait à donner plus de responsabilités à l'industrie dans les décisions affectant les pêcheries.
Dans une certaine mesure, le changement d'objectifs explicité dans la politique de 1996 était une question de rattrapage politique par rapport à la réalité. Les pêcheries de l'Atlantique ont subi de profonds changements après 1990, notamment l'effondrement des stocks de poissons de fond, une réglementation considérable visant à limiter l'expansion de la capacité, les rachats de permis et le passage des pêcheries compétitives à celles régies par les QI et les QIT afin de faciliter la rationalisation de la flottille représentant un pas vers la viabilité. Mais malgré ces changements, certains éléments de la politique - les dispositions touchant le statut de propriétaire-exploitant en particulier - sont restés inchangés. Mais à mesure que les pressions financières sur le secteur côtier s'intensifiaient et que les réalités de la gestion d'une entreprise de pêche viable devenaient plus difficiles, les pêcheurs et les transformateurs ont cherché des moyens de contourner ce qu'ils considéraient comme des contraintes à l'objectif de viabilité. L'utilisation des AF offrait une telle approche.
Répartition des bénéfices de la pêche
Le PIFCPAC, officiellement introduit en 2007, a été l'une des premières politiques à émerger de l'Examen de la politique des pêcheries de l'Atlantique (EPPA) lancé par le MPO en 1999. Son objectif était de « … Renforcer les politiques de propriétaire-exploitant et de séparation des flottilles pour garantir que les pêcheurs côtiers restent indépendants et que les avantages des permis de pêche profitent aux pêcheurs et aux communautés côtières de l'Atlantique.»Footnote 13 Divers intervenants de la pêche côtière avaient indiqué la nécessité de renforcer ces politiques, arguant que le recours généralisé aux accords de fiducie avait miné leur impact en permettant à de nombreux permis de pêche côtière d'être contrôlés par des intérêts autres que la personne à qui le permis avait été délivré.
Le PIFCPAC expose ce que le MPO décrit comme une « approche globale visant à aider les pêcheurs à garder le contrôle de leurs entreprises, à améliorer l'accès aux capitaux des institutions de prêt traditionnelles et à maintenir la richesse générée par la pêche du poisson dans les communautés côtières. » La création d'une nouvelle catégorie de permis destiné aux entreprises indépendantes du noyau est au cœur de la politique. La politique établit le nouveau critère d'admissibilité suivant pour un permis de pêche rattaché à un bateau nouveau ou remplaçant : le chef d'une entreprise du noyau (à l’époque, catégorie de permis de la politique des permis de 1996) n'est pas partie à un accord de contrôle s’agissant des permis de pêche côtière délivrés à son nom.Footnote 14 Tous les titulaires de permis d’entreprises du noyau devaient signer une déclaration avant le 12 avril 2007, qu’ils répondent ou non à ce critère (elle a ensuite été prolongée jusqu'au 31 mars 2008). S'ils déclaraient qu’ils n’étaient pas dans un AC, ils étaient alors classés dans la catégorie entreprise indépendante du noyau et étaient admissibles pour obtenir un permis. Dans la négative, pour être admissible comme entreprise indépendante du noyau, le titulaire du permis était tenu de résilier l'AC ou de modifier son accord pour le mettre en conformité avec le PIFCPAC au plus tard, le 12 avril 2014.Footnote 15
La raison de conclure un accord de contrôle allait au-delà de l'exemple le plus souvent cité - l'acquisition de l'intérêt bénéficiaire par une entreprise de transformation pour réaliser l'intégration verticale. D'autres raisons sont d'ordre opérationnel ou financier : d’abord pour améliorer l'économie de la pêche dans les pêcheries avec QI où le transfert de quota était interdit (poissons de fond dans la région maritime) ; ensuite pour faciliter l'accès à des membre de sa famille, un titulaire de permis existant fait l’acquisition d’un deuxième permis (parce que deux de ses enfants souhaitent pêcher après qu’il a pris sa retraite) en maintenant l'intérêt bénéficiaire dans le deuxième permis par l'entremise d'un AC au nom d'une entreprise en propriété exclusive, jusqu'à ce que l'enfant devienne admissible pour détenir le permis en son nom propre ; puis pour obtenir un financement lorsqu'un entrant potentiel dans la pêcherie est incapable d'obtenir un prêt d'un prêteur conventionnel (à la place, il conclut un accord de financement avec une entreprise de transformation ou un acheteur, avec un accord contenant une clause de garantie donnant à l'usine/l'acheteur le droit de désigner un cessionnaire ; enfin, une fois le prêt remboursé, la garantie ne serait plus requise et le titulaire de permis serait libre de transférer le permis).
Le PIFCPAC couvre toutes les pêches côtières à l'exception des flottilles et de certains permis de pêche côtières à des fins spécifiques qui sont explicitement exemptées (voir page 15 ci-dessous). Ces pêches sont décrites dans la politique de délivrance de permis de pêche commerciale pour chacune des régions du MPO sur la côte est.Footnote 16 Les pêches côtières sont celles que les chefs d'entreprises du noyau exploitant de bateaux de moins de 19,8 m (65 pi) sont autorisés à mener. La définition la plus large de ces pêches serait de les identifier chacune par espèce, bien qu'elles soient souvent classées plus précisément par flottille (taille du bateau, notamment le type d'engin et les sous-catégories de la pêche côtière - fixe ou mobile), condition d'accès (quota limité ou compétitif), saison et région.
Plutôt que d'essayer de définir chacune d’elles selon l'une ou l'autre de ces caractéristiques, les pêcheries côtières sont simplement répertoriées par espèce dans le tableau 2 (conformément aux politiques de délivrance de permis de pêche commerciale). Le nombre de permis, le type d'engin et la condition d'accès sont également fournis.
Tableau 2 : Pêcheries côtières de l'Atlantique par espèce et région du MPO (2018)
Pêche côtière Atlantique | Nombre de permis du MPO par région | Pêcheries | |||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
Maritimes | Golfe | Québec | Terre-Neuve | Total | Type d’engin | Allocation | |
Homard | 3 022 | 2 962 | 587 | 2 336 | 8 907 | Casier | Compétitive (sans TAC) |
Poissons de fond | 2 373 | 1 770 | 828 | 3 261 | 8 232 | Palangre/Hameçon/Chalut | QI/QIT/compétitive |
Maquereau | 1 985 | 3 000 | 820 | 2 137 | 7 942 | Senne/Filet maillant | Compétitive (TAC) |
Hareng | 1 803 | 2 340 | 962 | 1 991 | 7 096 | Senne/Filet maillant | ITQ/IQ/competitve |
Palourde | 1 154 | 2 271 | 246 | 0 | 3 671 | Drague/Fourchette | Compétitive |
Crabe | 384 | 360 | 398 | 2 414 | 3 556 | Casier | QI/QIT |
Calamar | 293 | 649 | 16 | 1 955 | 2 913 | Senne/Leurre | Compétitive (TAC) |
Pétoncle | 506 | 767 | 80 | 801 | 2 154 | Drague | QIT/compétitive |
Capelan | 0 | 2 | 73 | 1 634 | 1 709 | Senne (tournante/barrage) | Compétitive/QI |
Espadon | 865 | 342 | 0 | 1 | 1 208 | Palangre/Harpon | QIT/Compétitive |
Thon | 155 | 586 | 53 | 51 | 845 | Palangre/Canne&Moulinet/Casier | QIT/QI (étiquettes) |
Crevette | 59 | 32 | 56 | 286 | 433 | Chalut/Caseyage | Compétitive/IQ |
Autre | 2 893 | 11 643 | 1 295 | 11 250 | 27 081 | - | - |
Myxine | - | - | - | - | - | - | - |
Chabot | - | - | - | - | - | - | - |
Concombre de mer | - | - | - | - | - | - | - |
Requin | - | - | - | - | - | - | - |
Oursin | - | - | - | - | - | - | - |
Tableau 2: Sources
http://www.dfo-mpo.gc.ca/fisheries-peches/ifmp-gmp/index-fra.html
http://www.dfo-mpo.gc.ca/stats/commercial/licences-permis-fra.htm
Les exemptions du PIFCPAC (2007) couvraient initialement six flottilles (et non les pêcheries), qui se distinguaient par les conditions d'accès (QIT), la longueur du bateau, le type d'engin et l'espèce ou le groupe d'espèces. Une septième (le thon) a été qualifiée par la suite et a été ajoutée en 2009. Ces exemptions sont appliquées dans la région des Maritimes du MPO (principalement dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse) où l'introduction des QIT a eu tendance à se faire plus tôt que dans les autres régions du MPO sur la côte est, là où la pêche est la principale source d'activité économique dans la plupart des communautés côtières.Footnote 17
- QIT pour engins fixes de pêche aux poissons de fond de 45-65 pi : cette flottille palangrière est composée d'environ 35 bateaux actifs ciblant presque exclusivement le flétan. Elle représentait environ 25% de la valeur au débarquement des 40 millions de dollars de la pêche au flétan en 2018.
- QIT de poissons de fond pour engins mobiles < 65 pi : cette flottille de chalutiers est composée d'environ 70 bateaux actifs ciblant l'ensemble des espèces pour lesquelles un quota est disponible (principalement l'aiglefin ces dernières années). Elle représentait 35 millions de dollars de la valeur totale des débarquements de la pêche aux poissons de fond dans la région des Maritimes en 2018 (environ 40 millions de dollars, à l'exclusion du flétan).
- QIT d’espadon pêché à la palangre < 65 pi : cette flottille comprend environ 120 bateaux actifs, dont environ 35 représentent 80% du total des débarquements d'espadon (10 millions de dollars en 2018).
- QIT de hareng pêché à la senne coulissante < 65 : cette flottille est composée de 11 bateaux pêchant avec 40 permis d’une valeur au débarquement de l’ordre de 20 millions de dollars en 2018.
- QIT de pétoncle pour la totalité de la baie < 65 : cette flottille est composée de 65 bateaux actifs pêchant avec 100 permis. Elle représentait environ 60% de la valeur totale des débarquements côtiers de pétoncle (environ 50 millions de dollars) en 2018.
- QIT de crevettes du plateau néo-écossais pêchée avec des engins mobiles < 65 : cette flottille est composée de 9 bateaux actifs pêchant avec 28 permis. Il a produit une valeur au débarquement d'environ 10 millions de dollars en 2018.
- QIT de thon pêché à la palangre < 65 : cette flottille palangrière (composée pour la plupart des mêmes bateaux pêchant le QIT d’espadon) représente l’essentiel des débarquements de thon (7 millions de dollars au total pour la région maritime en 2018).
Deux facteurs essentiels expliquent ces exemptions : les difficultés financières et économiques étant donné le risque de perturbations dans les pêcheries. Autrement dit, le processus des accords aurait engendré des coûts plus élevés que les bénéfices tirés de l'imposition de la politique. Exiger de ces flottilles exemptées qu'elles se conforment à la mise en œuvre du PIFCPAC aurait causé des difficultés aux flottilles et aux titulaires de permis concernés, et aurait eu une incidence négative sur la viabilité économique des collectivités dans lesquelles ces flottilles opéraient.
Forcer la conformité aurait également entraîné des changements importants dans la structure de gestion des pêches pour ces pêcheries ; les exemptions à la politique du PIFCPAC étaient nécessaires pour éviter toute perturbation de la pêche, comme une augmentation du nombre de bateaux actifs ou de titulaires de permis individuels étant donné qu'ils ne pouvaient plus « transférer » leur quota ou désigner une personne pour exploiter leur bateau. De plus, le MPO estimait qu’accorder des exemptions individuelles en l'absence de circonstances exceptionnelles minerait la politique.Footnote 18
Les flottilles exemptées de l'application de la politique de propriétaire-exploitant et de séparation des flottilles du PIFCPAC ont répondu aux critères suivants :
- un programme de quotas individuels transférables (QIT) a été en place pendant au moins 5 années consécutives ;
- une des raisons pour avoir recours au programme de QIT était d'aider la flottille à atteindre ses objectifs d'auto-rationalisation ;
- la flottille a fait l’objet d’une restructuration et d’une auto-rationalisation importantes à la suite du programme de QIT ;
- Une activité conséquente de transferts de quotas a eu lieu dans le cadre des régimes de transfert de quota ; et,
- un nombre important de permis relèvent de l’article 11 (7) de la Politique sur les permis de pêche commerciale pour l'Est du Canada, 1996, ce qui signifie qu'un grand nombre de titulaires de permis ne sont pas tenus d’utiliser personnellement leur permis pour pêcher car ils avaient auparavant désigné un exploitant pour un ou plusieurs de leurs bateaux, et ils ont continué à le faire en vertu d'une clause de droits acquis.
Toute autre flottille souhaitant être exemptée doit répondre à ces critères et démontrer :
- comment une exemption bénéficierait à la flottille ;
- qu’une exemption pour la flottille n’aura pas un impact négatif significatif sur les autres flottilles ;
- qu’une exemption n’aura pas un impact négatif significatif sur la conservation de la ressource ou de la viabilité des pêcheries ; et,
- comment la flottille a mis en place un consensus concernant l’introduction d’un régime de QIT.
Ce qui doit être considéré comme un seuil « significatif » n'est pas défini, ce qui suggère qu'il y aurait une certaine souplesse et subjectivité (discrétion) dans l'application de ces critères.
Le MPO et le secteur côtier ont reconnu que l'une des faiblesses de bon nombre des « règles » régissant les pêcheries de l'Atlantique était qu'elles étaient énoncées dans des politiques et non applicables en droit. Par conséquent, après l'introduction officielle de la politique du PIFCPAC en 2014, le MPO a commencé en 2018 à encadrer ses principales dispositions dans la réglementation. Les modifications réglementaires consacrant des éléments de la politique de propriétaire-exploitant sont entrées en vigueur le 9 décembre 2020, les modifications réglementaires remplaçant le PIFCPAC entrant en vigueur le 1er avril 2021. Les modifications ont élargi le PIFCPAC en interdisant tout transfert des privilèges conférés par un permis de pêche, à moins que les règlements ne le permettent expressément.
En plus des flottilles répertoriées ci-dessus, plusieurs permis à usage spécifique ont été exemptés pour éviter tout conflit avec les modifications réglementaires qui donneraient force de loi aux principales dispositions du PIFCPAC :
- Permis de pêche côtières délivrés à des entreprises opérant avant 1979. Ces entreprises de transformation détenaient des permis de pêche côtière avant l'introduction de la politique de séparation des flottilles en 1979, elles avaient été dispensées dès le début de la mise en œuvre des politiques concernant la côte (toutes les politiques concernant la côte ont été adoptées après 1979). Les permis en question (dont beaucoup servent à pêcher dans les flottilles exemptées énumérées ci-dessus) représentent moins de 1% du nombre total des permis de pêche côtière, mais c’est une part proportionnellement plus élevée de la valeur au débarquement pour les pêches auxquelles elles participent.
- Lorsque la politique de propriétaire-exploitant a été adoptée dans la région des Maritimes, certaines sociétés (p. ex. les entreprises familiales) détenaient des permis de pêche côtières ; ces sociétés, généralement appelées sociétés pré-1989, bénéficiaient de droits acquis dans le régime par le biais d'une exception à l'obligation d'être une société individuelle ou à 100% et étaient autorisées à continuer à détenir les permis.
- Permis de pêche côtières délivrés aux entreprises de pêche au crabe des neiges de l’est de la Nouvelle-Écosse (région des Maritimes du MPO seulement). Un groupe indépendant créé par le Ministre en 2005 a recommandé que les permis provisoires autorisés à entrer dans la pêche après l'effondrement des stocks de poissons de fond deviennent permanents à condition qu'ils mettent en commun leurs quotas individuels dans les entreprises de pêche (une moyenne de 10 permis de pêche par entreprise pour un seul bateau), limitant ainsi le nombre de bateaux supplémentaires dans la pêche au crabe.
- Permis de pêche côtière en rapport avec les allocations que les organisations de pêche communautaires reçoivent. Dans chaque région du MPO de la côte est, un certain nombre d’associations de pêcheurs, de conseils de planification de la flottille ou de conseils de gestion communautaire reçoivent des allocations. Au départ, elles étaient délivrées pour aider les pêcheurs touchés par des réductions soudaines et drastiques du total autorisé de captures (TAC) des pêches aux poissons de fond. Les allocations ont ensuite été régularisées de manière à ce que les organisations puissent les utiliser comme elles l'entendaient. Dans certaines régions, un permis est délivré par le système régional d’émission de permis pour bien mettre en place l'allocation et faciliter la déclaration des prises. Ces organisations ne sont pas considérées comme des titulaires de permis.
- Permis de pêche côtières délivrés à une organisation autochtone détentrice d’un permis de pêche commerciale en vertu du Règlement de pêche de l'Atlantique (RPA). Les organisations autochtones pêchent généralement avec des permis délivrés en vertu du Règlement des permis de pêche communautaires autochtones, ils ne sont pas assujettis aux politiques de la pêche côtière (notamment le PIFCPAC). Certaines organisations (bandes) détiennent également des permis dans le secteur côtier qui sont délivrés dans le cadre des RPA ; ils ont reçu une exception « personnelle » non transférable des politiques s’appliquant à la côte.
- Permis de pêche côtière délivrés aux chefs d'entreprises en dehors du noyau. En 1996, en vertu de la nouvelle politique de délivrance de permis de pêche commerciale pour l'Est du Canada, le chef de ces entreprises n'était pas qualifié de « chef d'entreprise du noyau », mais il était autorisé à continuer à détenir les permis de pêche côtière délivrés jusqu'à leur retraite (ces permis ne peuvent être réédité). En 2018, il existait 3788 permis de ce type.
- Permis de pêche côtière délivrés au nom de la succession d'un titulaire de permis décédé. Lorsqu'un titulaire de permis décède, les permis qu'il ou elle détient peuvent être réémis au nom de la succession. En vertu de la politique de délivrance de permis de 1996, la succession peut disposer de cinq ans après le décès pour recommander une personne admissible à qui un permis de remplacement peut être délivré.
- Les exemptions liées aux contraintes de permis :
- le chabot, uniquement lorsqu'il est délivré avec des poissons de fond (QIT pêché avec engins mobiles < 65 ) ;
- le calamar (turlutte ou ligne à main), uniquement lorsque le titulaire du permis détient l'un des permis exemptés ;
- le calamar (chalut à panneaux), uniquement lorsque le titulaire du permis détient l'un des permis exemptés, qu'un chalut à panneaux est utilisé pour pêcher avec ce permis, et que le titulaire du permis ne détient pas d'autres permis permettant l'utilisation du chalut à panneaux ;
- le calamar (senne coulissante), uniquement lorsque le titulaire du permis détient l'un des permis exemptés, qu'une senne coulissante est utilisée pour pêcher avec ce permis et que le titulaire du permis ne détient pas d'autres permis permettant l'utilisation d'une senne coulissante.
2.3 Pêcheries du Pacifique
Élaboration de la politique depuis les années 60
La Politique sur les pêcheries commerciales du Canada de 1976 était appliquée non seulement aux pêcheries de l’Atlantique, mais également à celles du Pacifique. Les pêcheries du Pacifique, bien que différentes de l'Atlantique en termes d’envergure, de structure et d'espèces, ont évolué de manière similaire et ont été confrontées à des défis similaires dans les années qui ont précédé et suivi l'extension de la juridiction de pêche à 200 milles en 1977. Sur les deux côtes, les pêcheries se caractérisaient par une croissance rapide de la vitalité de la pêche dans un contexte de fluctuations des ressources et de déclin de l'abondance des espèces importantes, entraînant une surcapacité, des saisons courtes et de faibles revenus. L'expansion de la flottille au cours des années 1960 et 1970 pourrait être attribuée à quatre facteurs principaux : les programmes fédéraux de soutien à la modernisation de la flottille, la pêche en libre accès, des marchés porteurs et une absence de fondements scientifiques et économiques solides pour la gestion des pêches.
Les pêcheries du Pacifique ont soutenu de nombreuses communautés côtières pendant la première moitié du 20e siècle, notamment les communautés des Premières nations. Les pêches au saumon et au hareng étaient les principales pêcheries, elles approvisionnaient de nombreuses conserveries et usines de transformation le long de la côte, de Prince Rupert à Vancouver. Les progrès dans les technologies de récolte, la transformation et le transport, associés à la demande changeante du marché, ont contribué à une forte rationalisation du secteur de la transformation au cours des années 1970 et 1980, les entreprises et les pêcheurs qui ont survécu étant concentrés sur la côte continentale et sur l'île de Vancouver.
Les années 1980 ont été marquées par une crise financière de l'industrie de la pêche du Pacifique. À la suite de quoi, une Commission royale a été déclenchée qui a abouti à des recommandations radicales, notamment des changements dans l'approche de la gestion des pêches qui verraient (à terme) l'introduction ou l'augmentation des contrôles de la production sous la forme de droits de pêche individuels.Footnote 19 Footnote 20
Expansion de la capacité et contrôle de l’effort
Limited entry had been promised as early as the 1950s as a first step in grappling with the problems created by overcapacity, but it was not until 1969 that the policy was implemented, initially in the salmon fisheries and extending to other key fisheries – roe herring (1974), spawn-on-kelp (1975), trawl (1977), abalone and shrimp by trawl (1977Dès les années 1950, un accès limité avait été annoncé comme une première étape pour s'attaquer aux problèmes créés par la surcapacité. Mais ce n'est qu'en 1969 que la politique a été mise en œuvre, initialement dans les pêcheries de saumon pour s’étendre par la suite à d'autres pêcheries importantes comme : le hareng rogué (1974), les œufs sur varech (1975), la récolte au chalut (1977), l’ormeau et la crevette pêchée au chalut (1977), le flétan (1979) et la morue charbonnière (1981), le panope (1983) et la crevette récoltée au casier (1990).Footnote 21
À lui seule, l’accès limité n'a guère ralenti l'expansion de la capacité de récolte. En effet l'incitation à maximiser les parts dans ce qui était alors des pêcheries compétitives subsistait. Dans les années qui ont suivi, l’accès limité a été complété par une série d'autres contrôles des intrants visant à contraindre et à réduire la capacité comme : les restrictions pour le remplacement des bateaux, les restrictions pour les engins, les heures d'ouverture, des limitations de sortie et même de rachat de permis. Leur efficacité était réduite, principalement en raison de la faiblesse des règles de remplacement et des transferts de permis.Footnote 22 Aujourd'hui encore, la capacité excédentaire de plusieurs pêcheries importantes (le saumon, le hareng, les poissons de fond) est considérée comme un obstacle majeur pour atteindre des objectifs économiques (revenus, viabilité).Footnote 23
Propriétaire-Exploitant
Avec la plupart des bateaux déployés dans les pêcheries du Pacifique mesurant moins de 40 pieds, la flottille ressemblait au secteur côtier de la côte atlantique. Mais la ressemblance s'est arrêtée là. Une différence importante était qu'à partir de la fin des années 1960, des permis pour la plupart des pêches principales étaient délivrés à des bateaux (saumon, poissons de fond, crabe, crevette et panope), plutôt qu'à des pêcheurs individuels comme dans les pêcheries de l'Atlantique.Footnote 24 Les permis du Pacifique n'étaient pas soumis à la politique de propriétaire-exploitant. Les entreprises, notamment les transformateurs de poisson, pouvaient posséder et exploiter des bateaux (et des permis associés) après avoir embauché des capitaines et des équipages.
Avec l'introduction d'un accès limité dans ces pêcheries en 1974, des permis non transférables ont été délivrées à des particuliers avec un statut de propriétaire-exploitant (cela ne s'appliquait qu'aux nouveaux entrants et non aux titulaires de permis existants).Footnote 25 La pêche était fortement surcapitalisée ; la non-transférabilité était une tentative de réduire le nombre de bateau par attrition (et aussi d'empêcher l'acquisition par les entreprises de transformation). Le statut de propriétaire-exploitant a été supprimé en 1979 parce que le MPO avait du mal à l'appliquer. La non-transférabilité, contournée par divers mécanismes, notamment les contrats de location et de fiducie, s'est avérée difficile à appliquer pour le MPO. La restriction a été supprimée en 1990, permettant aux titulaires de permis de recommander à qui les permis de remplacement seraient délivrés.Footnote 26
Les préoccupations concernant la propriété des entreprises, et/ou le contrôle des permis, ont été prioritaires dans la commission d'enquête sur la politique de délivrance des permis du MPO menée en 1991. Cette commission a été nommée, non par le gouvernement, mais par certaines organisations de l'industrie de la pêche représentant les pêcheurs, les propriétaires de bateaux et les titulaires de permis dans l'industrie de pêche de la Colombie-Britannique qui n'étaient pas satisfaits de la politique de délivrance des permis en vigueur à l'époque. Son mandat était de demander au commissaire d’enquêter et d’élaborer des solutions de rechange aux dispositions de la politique en matière de permis figurant dans le document de travail de 1990 du MPO, Perspectives stratégiques de la région du Pacifique. Vision 2000 : Une vision des pêcheries du Pacifique au début du 21e siècle. Les objectifs déclarés de la Vision étaient entre autres :
- Le maintien des taux d'exploitation optimaux.
- La consultation de l'industrie de la pêche et du public.
- Des modalités d'allocation équitables permettant aux participants de toucher une part idéale des bénéfices.
- L’amélioration de la stabilité de l'industrie de la pêche commerciale.
- L’expansion de la viabilité économique et sociale des communautés côtières.
Le rapport d'enquête a argumenté que le contrôle des entreprises sur les permis était incompatible avec la politique en matière de permis puisque le permis est le privilège accordé à ceux qui exploitent réellement la ressource publique. Les entreprises auxquelles les permis étaient délivrés n’étaient pas celles qui faisaient la récolte. Le rapport appliquait le même raisonnement aux titulaires de permis qui ne pêchaient pas réellement mais qui louaient leur privilège de pêche à d'autres. Selon le rapport, dans les deux cas, le droit du Ministre de déterminer qui récolte la ressource était « usurpés » par d'autres personnes.Footnote 27 La Commission d'enquête a recommandé que tous les permis délivrés par le MPO contiennent une disposition selon laquelle ils devront être exploités par le propriétaire (cette recommandation était accompagnée de plusieurs recommandations à l'appui). Il semble que ces recommandations aient manqué d'un grand soutien du secteur de la pêche, cela ressemblait à ce qui avait conduit à la mise en œuvre du PIFCPAC dans les pêcheries de l'Atlantique, puis à des modifications définissant la séparation des flottilles et le statut de propriétaire-exploitant.
Séparation des flottilles
Les entreprises de transformation ont pu continuer à posséder des bateaux avec les permis associés, bien qu'un plafond de 12% du total des permis de pêche au saumon ait été annoncé en 1970 dans le cadre de la phase 2 du plan Davis. Ce plafond n’a pas été mis en œuvre par voie de règlement, mais par une forme de « gentlemen’s agreement » contrôlé de manière informelle par le MPO. Un commentateur s’est interrogé : « Sans des mesures de protection identiques à celles de l’Atlantique, la prise de contrôle redoutée des entreprises s'est-elle produite en Colombie-Britannique ? La situation à la fin du millénaire [1999] était brouillée. »Footnote 28 Dans son rapport de 1991, la commission d'enquête déclarait que :
« On pense, par exemple, que les grandes entreprises de transformation et les autres propriétaires de flottilles contrôlent une quantité disproportionnée de permis de pêche à la senne au saumon et au hareng rogué. Les pêcheurs pensent que plus de 80% de ces permis ne sont pas accessibles aux pêcheurs indépendants. L'ampleur ou la gravité de ce problème est difficile à cerner puisque Pêches et Océans n'a pas besoin de ce type d'information sur les permis dans le cadre du processus de demande de permis. (p. 20)
Il est difficile de trouver des références dans les publications de documents sur des décisions de politique ou de gestion confirmant un mouvement explicite qui s’éloigne du plafond de 12%. Même l'existence du plafond semble remise en question, malgré l'annonce faite par le Ministre en 1970 dans la note de bas de page 26. Par exemple, dans un commentaire de 2018 sur les modifications apportées à la Loi sur les pêches, la BC Seafood Alliance déclare : « Dans pratiquement toutes les pêcheries de la Colombie-Britannique, depuis [1969] les permis ont été entièrement transférables et à la disposition des transformateurs. »Footnote 29
Distribution des bénéfices de la pêche
La région du Pacifique manque actuellement de mesures générales correspondant aux politiques de séparation de la flottille et de propriétaire-exploitant de l'Atlantique qui soutiennent une répartition équitable des bénéfices de la pêche (ces politiques fonctionnent verticalement entre les secteurs de la pêche et de la transformation, et horizontalement entre les permis au sein de pêcheries spécifiques). Bien que les objectifs de la politique Vision 2000 aient exprimé leur soutien à l’idée « d’une part idéale des bénéfices » et de « la viabilité économique et sociale des communautés côtières », il est difficile de trouver des mesures réglementaires ou politiques générales visant à les atteindre. De telles mesures s'appliquent au niveau de la flottille, par exemple le quota du développement de la pêche aux poissons de fond et le quota du code de conduite de la pêche au chalut des poissons de fond introduits en 1997 prévoient que 20% des TAC de poissons de fond et de merlu pêchés au chalut doivent être mis de côté par le Ministre. Sous réserve que les avis qui lui sont donnés par l'instance chargée du développement des poissons de fond tiennent compte d’un traitement équitable des équipages, du développement régional, de la stabilité des marchés, des conditions d'emploi et des pratiques de pêche durables.
La plupart des pêcheries sont limitées pour réaliser une consolidation qui pourrait fournir la base d’une répartition horizontale des bénéfices entre les titulaires de permis dans des pêcheries spécifiques. Celles-ci prennent différentes formes selon la pêcherie : limites sur l'empilement des permis, limites sur l'empilement d’allocations, de casiers et de quotas. Mais les objectifs de distribution sont émoussés car ces limites ne s'appliquent qu'au niveau du permis. Lorsque le nombre de permis qu'une entité peut détenir n’est pas limité, la concentration des bénéfices est alors possible.
Bien que cela ne soit pas intentionnel, le cadre réglementaire (quotas négociables) visant à promouvoir la rationalisation de la flottille dans les pêcheries ayant une capacité de prise excédentaire finit par faciliter également le captage des revenus des pêcheurs actifs, entraînant ainsi la concentration des bénéfices chez une classe rentière d'investisseurs dans les quotas. Cela semble être en contradiction avec la façon dont les avantages du privilège incorporé dans le permis de pêche étaient censés en découler à l'origine ;Footnote 30 cela est également en contradiction avec les objectifs actuels des pêcheries du Pacifique, notamment la promotion de la stabilité et de la viabilité économique des exploitations de pêche et l'encouragement d’une répartition équitable des bénéfices (énumérés à la page 22 ci-dessous).
3. Application des politiques des pêcheries de l'Atlantique dans la région du Pacifique
3.1 Politiques de l'Atlantique conçues pour soutenir les pêcheurs indépendants
En plus du PIFCPAC, plusieurs autres mesures conçues pour soutenir les pêcheurs indépendants dans les pêcheries de l'Atlantique sont à noter :
- Politique appliquée à la réglementation : le Règlement de pêche de l'Atlantique, 1985 et le Règlement de Pêche des provinces maritimes ont été modifiés pour incorporer les éléments principaux des politiques côtières. Les modifications publiées le 9 décembre 2020 interdisent aux titulaires de permis de transférer les droits et privilèges conférés en vertu du permis ; elles restreignent la délivrance de permis côtiers aux titulaires de permis qui n'ont pas transféré les droits et privilèges conférés en vertu du permis ; et elles interdisent à tout tiers d'utiliser et de contrôler les droits et privilèges associés à un permis.
- Politique de l’exploitant remplaçant : sur demande, un exploitant (du noyau indépendant ou détenteur de permis du noyau) peut désigner un exploitant remplaçant pour pêcher avec les permis concernés. La politique établit les critères que les exploitants doivent remplir pour se qualifier, la durée maximale d'un remplacement va jusqu'à cinq ans en cas de remplacement pour raisons médicales). La politique donne à l’exploitant assez de flexibilité pour qu’il continue dans la pêcherie si les circonstances le permettent, ou qu’il vende l'entreprise.
- Politique de notification et d’avis de réception : le système de notification et d’avis de réception (N&AR) est utilisé pour informer le MPO qu’un un accord entre un titulaire de permis (TP) et une institution financière reconnue (IFR) et/ou un conseil ou une organisation de développement communautaire a été conclu. Une fois que le MPO est avisé d’un accord entre un IFR et un TP par l’intermédiaire d’une demande dans le système de N&AR, une note est ajoutée au dossier du TP. S'il recommande la réémission du permis, le IFR est notifié et le MPO attendra leur avis de réception avant de procéder au « transfert ». Cela donne une sécurité supplémentaire à l’IFR en assurant que le permis ne changera pas de mains à son insu. Le but est de savoir pourquoi les pêcheurs entrent dans un accord de collaboration (AC) pour obtenir le financement d'un transformateur, d'un acheteur ou d'un autre titulaire de permis afin d’acheter un bateau ou un permis. En excluant ce type d'arrangement de la définition d'un AC, il permet à l’IFR d'utiliser le permis comme une garantie du prêt.Footnote 31
- Délivrance de permis aux entreprises : au cours des consultations du PIFCPAC, le MPO a constaté un soutien considérable en faveur de la délivrance de permis de bateau à des entreprises détenus en propriété exclusive par un titulaire de permis de base indépendant. Une nouvelle politique sur la délivrance des permis aux entreprises est entrée en vigueur en 2011. Cela permet aux titulaires de permis indépendant du noyau d'incorporer une société en propriété exclusive à laquelle le permis sera délivré qui créée plusieurs avantages : une responsabilité limitée de l'actionnaire unique d'une société, une imposition à un taux inférieur des petites entreprises, la possibilité de réclamer une exonération des gains en capital améliorée lors de la vente des actions et une plus grande souplesse dans la succession et la planification successorale.
- Combinaison et empilement de permis : les AC avaient été utilisés pour contourner la politique de propriétaire-exploitant qui limitait effectivement un exploitant à détenir un seul permis par espèce/type d'engin. Les titulaires de permis sont autorisés à combiner deux permis (p. ex. le homard, le crabe des neiges, avec 150% d'engins autorisés) et à pêcher avec un seul bateau, ce qui gagne en efficacité opérationnelle. De plus, dans certaines pêcheries communautaires aux poissons de fond qui fonctionnent avec un QI, les pêcheurs peuvent combiner des permis pour parvenir à une rationalisation autofinancée de la flottille et à une viabilité opérationnelle.
3.2 Point de vue des parties prenantes des pêcheries du Pacifique sur la mise en œuvre des politiques de l'Atlantique
Nous avons contacté quelques parties prenantes pour avoir un aperçu plus large des points de vue sur les questions examinées dans ce rapport. Il ne s’agissait pas d’une consultation complète et cela ne devait pas non plus être considéré comme tel. Les parties prenantes contactées ont fourni un grand nombre de points de vue sur l'évolution des pêcheries du Pacifique et les mérites relatifs à la mise en œuvre des politiques de l'Atlantique pour atteindre les objectifs de la politique du Pacifique.
Ces objectifs stratégiques ont été exposés lors d'un témoignage devant le Comité permanent sur les pêches et les océans en 2019 : Footnote 32
- Résultats en termes de conservation ;
- Respect des obligations légales, telles que les droits des Premières nations ;
- Promotion de la stabilité et de la viabilité économique des exploitations de pêche ;
- Incitation à une répartition équitable des bénéfices ; et
- Simplification de la collecte des données nécessaires à des fins d'administration, de planification et de mise en application de la loi.
Les points de vue de deux organisations représentant une grande partie des intérêts de l'industrie de la pêche du Pacifique sont résumés ci-dessous. Ces points de vue sont basés sur des entretiens et des informations tirées de sources publiées.
Alliance pour les produits de la mer de la Colombie-Britannique (B.-C. Seafood Alliance (BCSA))
La BCSA s'oppose à l'introduction des politiques des pêcheries de l'Atlantique - en particulier la séparation de la flottille et le statut de propriétaire-exploitant - dans les pêcheries du Pacifique. Dans sa présentation de 2018 sur la politique de délivrance de quotas au Comité permanent sur les pêches et les océans lors de son examen du projet de loi C-68 (Loi modifiant la Loi sur les pêches), la BCSA a résumé sa position comme suit : Footnote 33
- « Les dispositions pour le propriétaire exploitant de l'Atlantique et du Québec décrites dans le document de consultation n'ont aucune pertinence pour la Colombie-Britannique. Le MPO devrait donc rejeter tous les commentaires (y compris les nôtres) concernant la côte ouest à moins qu'il soit prêt à entreprendre une étude de grande envergure de la politique pour la côte canadienne du Pacifique.
- « Un tel examen doit exiger une base solide de preuves empiriques plutôt que des affirmations faites par une partie avec peu ou pas de preuves pour les étayer. Cela ne peut pas être fait rapidement et ne peut pas être fait sans la participation de l'industrie. »
- « Un examen est nécessaire parce que les modifications proposées pour l'Atlantique et le Québec entérinent simplement la politique existante, élaborée entre 1979 et 1989, dans le règlement. Il y a peu de changements significatifs, simplement une clarification des règles et procédures existantes. Ce ne serait pas le cas pour la côte canadienne du Pacifique où de telles politiques n'existent pas.
À l'appui de sa position, la BCSA ajoute que la gestion des pêcheries au Canada a évolué différemment sur ses côtes est et ouest. Plusieurs facteurs qui expliqueraient ces différences sont proposés. Bien que les pêcheries aient évolué différemment, les points de distinction énoncés par la BCSA sont peut-être moins précis tels qu'indiqués. Les observations de l’auteur (en italique) ne visent pas à contester la validité des questions relatives aux pêcheries du Pacifique, mais simplement à clarifier des points tels qu’ils s’appliquent aux pêcheries de l’Atlantique
- « La politique de l’Atlantique a été motivée par la contiguïté (protection de l’accès aux pêcheries de la province) et le maintien d’une flottille côtière/semi-côtière < 65 pieds pour protéger les communautés côtières rurales souvent éloignées. » Le maintien d'une flottille côtière solide pour préserver la viabilité économique des communautés côtières était certainement un moteur de la politique, le principe de contiguïté faisait partie intégrante de cela. Mais le principe de contiguïté ne se limite pas aux frontières provinciales ou régionales ; il opère à l’intérieur de la province par le biais d'une politique de permis en limitant le transfert de permis aux résidents de la même zone de pêche à laquelle le permis s'applique (par exemple, dans les pêches de l'Atlantique, il existe 40 zones de pêche au homard ; 24 zones de pêche au crabe des neiges ; etc.).Footnote 34
- « Depuis plus d'un siècle, les transformateurs ont fourni des bateaux et du matériel ou des prêts à court terme pour permettre aux pêcheurs de pêcher. » La même approche, avec de nombreuses variantes, notamment la prestation de services administratifs, est utilisée sur la côte est depuis plus de 200 ans. La motivation n’était pas l’altruisme, mais pour sécuriser la prise du bateau.
- « En 1969 l’accès limité aux permis pour le saumon, et plus tard pour pratiquement toutes les pêcheries, a été la première des nombreuses tentatives pour réduire le trop grand nombre de bateaux qui ne pêchaient pas assez de poissons. Cela a inévitablement donné plus de valeur aux permis. Dans pratiquement tous les cas, l’accès limité au permis a débouché sur un trop grand nombre de permis par pêcherie. » L’accès limité a commencé avec le homard en 1967, puis il a été introduit progressivement dans d'autres pêcheries au cours des années 1970. La valeur des permis a augmenté dans les pêcheries de l'Atlantique. Dans presque toutes les pêcheries, le nombre et la capacité des bateaux autorisé à accéder à la pêche ont dépassé les niveaux de durabilité de la pêche. Des contrôles des intrants plus stricts, notamment des restrictions touchant le remplacement des bateaux, des limitations du nombre des engins de pêche, des limites de prise, etc., ont eu peu d’effet. La pêche compétitive incitant à maximiser la part des prises, la pression pour la surcapitalisation s'est poursuivie.
- « Cette capacité excédentaire était incompatible à la fois avec les objectifs de conservation (mauvaise gestion des stocks, principe de précaution dans l’établissement des niveaux de prélèvement, augmentation de la comptabilisation des prises ciblées et non-ciblées) et de viabilité économique. De nombreuses pêcheries ont donc commencé à adopter de nouvelles mesures de gestion (quotas de bateaux individuels, permis de zone, empilement des permis) afin de rationaliser la capacité excédentaire et de fournir des avantages économiques aux exploitants restants. » L'introduction des QI et des QIT s'est produite au même moment (à partir de 1990) et pour les mêmes raisons dans les pêcheries côtières de l'Atlantique. L'utilisation de quotas individuels (ou allocations d'entreprises comme on les appelait) date en fait de 1976 pour la pêche au hareng et de 1982 pour la pêche hauturière aux poissons de fond. L'empilement de permis était interdit, bien qu'il soit effectivement pratiqué par le recours à la location de quotas à court terme (saisonniers), nonobstant les règles du propriétaire-exploitant. Le MPO a également commencé à autoriser le regroupement/l'empilement de permis dans certaines pêcheries (p. ex. le homard, le crabe) pour améliorer l'efficacité.
- « Depuis [1969], dans pratiquement toutes les pêcheries de la Colombie-Britannique les permis sont devenus entièrement transférables et accessibles aux transformateurs. » Cela semble être en contradiction avec les sources publiées où une limite à la propriété des entreprises de la pêche au saumon était annoncée par le Ministre en 1970.Footnote 26
- « La plupart, mais pas tous, des permis dont l’accès est limité sont rattachés à des bateaux plutôt qu’à des parties comme dans le Canada de l’Atlantique. La copropriété d'un bateau est courante et cela implique une copropriété des permis et du quota associé. » Comme indiqué, le système de délivrance des permis est le principal point de départ entre les pêcheries de l'Atlantique et du Pacifique. Lorsque la délivrance du permis à l’individu est associée à la règle du propriétaire-exploitant, elle respecte l'esprit et la lettre de la loi selon laquelle le privilège/droit de pêche est exercé par le titulaire du permis. Dans le cadre du PIFCPAC, il existe des exemptions (voir ci-dessus). Par exemple, afin de limiter le nombre de bateaux de pêche au crabe des neiges dans l'est de la Nouvelle-Écosse, des permis ont été délivrés à plusieurs entreprises composées d’un maximum de 10 propriétaires de bateaux qui ont accepté de combiner le quota individuel associé à leurs permis en un seul quota d'entreprise qui serait pêché par l'un des bateaux appartenant aux actionnaires.
- « Pour la pêche aux poissons de fond, cela a abouti au Programme de pêche commerciale intégrée des poissons de fond (PPCIPF) qui intègre la gestion de quelque 66 stocks différents, sept pêcheries et trois types d'engins (chalut, casier et hameçon et ligne). Environ les 2/3 du volume des débarquements en Colombie-Britannique fonctionnent selon le PPCIF. Le PPCIF exige une responsabilité totale pour chaque poisson capturé, qu'il soit conservé ou relâché, afin de permettre une évaluation précise de toutes les mortalités. Il nécessite également une surveillance de 100% en mer et une surveillance à terre de 100%. C'est un programme de renommée mondiale, mais il ne pourrait pas fonctionner sans les transferts temporaires de quota (crédit-bail) pour protéger les prises accessoires, souvent des espèces vulnérables ou en danger, menacées et protégées. » Les transferts temporaires destinés à protéger les prises accessoires et à faciliter les plans de pêche sont également une caractéristique des pêcheries côtières concernées des poissons de fond dans l'Atlantique. Bien que ce ne soit pas aussi compliqué que la pêche aux poissons de fond du Pacifique, le principe et la pratique sont les mêmes.
Fédération canadienne des pêcheurs indépendants (FCPI)
Le FCPI et ses membres de la Colombie-Britannique soutiennent l'introduction des politiques de propriétaire-exploitant et de séparation des flottilles dans les pêcheries du Pacifique. Lors d'une discussion avec l'auteur, les représentants du FCPI ont présenté les arguments suivants à l'appui de leur point de vue.Footnote 35 Ces arguments couvrent à peu près le même sujet que bon nombre des présentations faites par les pêcheurs de la Colombie-Britannique qui ont comparu en tant que témoins devant le Comité permanent des pêches de la Chambre des communes lors de ses audiences publiques en janvier et février 2019. Les observations de l'auteur sur ces arguments apparaissent en italique.
- En général, les politiques de propriétaire-exploitant et de séparation des flottilles représentent le seul espoir d'améliorer la viabilité économique du secteur de la pêche. En rétablissant l'équilibre entre les risques et les bénéfices dans les pêcheries, ces politiques rétabliraient et renforceraient l’essor économique des communautés côtières, particulièrement dans le nord de la Colombie-Britannique. Ces politiques peuvent être une condition nécessaire pour atteindre les résultats déclarés, mais pas nécessairement suffisantes. Il faut également un régime de gestion qui soutienne le rétablissement des stocks de saumon et d'autres espèces et permette aux flottilles de parvenir à un équilibre économique entre la capacité de récolte (coûts) et les prises autorisées (revenus).
- Rééquilibrer les risques et les bénéfices dans les pêcheries est essentiel à la viabilité de l'entreprise et à l'obtention des résultats qui en découlent, à savoir générer : un revenu personnel suffisant (une fois les coûts couverts) pour retenir les capitaines et les équipages expérimentés ; des revenus suffisants pour couvrir les frais de fonctionnement ; un retour sur investissement suffisant pour attirer des capitaux afin de remplacer les bateaux et les engins ; et enfin des revenus suffisants et des conditions de travail favorables pour attirer de nouveaux entrants dans l'industrie. Les meilleurs exemples du type d'équilibre entre les risques et les bénéfices nécessaires pour soutenir la viabilité des entreprises se trouvent aussi dans les mêmes pêcheries, souvent citées comme exemples, où les risques et les bénéfices ne sont pas en équilibre. Ceci se produit dans des circonstances où le bateau pêche le quota sur le compte de son propre permis plutôt que de louer un quota à d'autres, à un prix plus élevé que celui du prix à terre de la prise.
- Aux vues de cet ensemble de résultats, attirer de nouveaux entrants représente un défi majeur. En effet, les retours sur investissement sont généralement trop faibles pour assurer le service de la dette et obtenir un permis.Footnote 36 Les prix des permis sont élevés et représentent un obstacle majeur à l'accès ; toutefois les prix des permis sont élevés car peu d'entre eux sont sur le marché en raison du flux de revenus attrayant qu'ils génèrent pour les détenteurs de permis inactifs (quota) grâce au crédit-bail. Dans les pêcheries importantes, des parts substantielles du quota sont détenues en tant qu'investissements soit par le titulaire de permis qui a initialement obtenu le quota, soit par des investisseurs extérieurs ou à l'intérieur de l'industrie qui peuvent se permettre de les acheter (avec le permis associé). Bien qu'il semble y avoir un accord sur le fait que la location et son impact sur l'accès et la viabilité des entreprises constituent un obstacle majeur pour attirer des entrants dans les pêcheries, les preuves à l'appui de cette tendance semblent se concentrer étroitement sur la pêche au flétan où les implications de la location sur l'économie des pêcheurs ont été documentées.Footnote 37 On peut supposer que l'argument serait renforcé si l'expérience d'autres pêcheries pouvait également être documentée (par exemple, le homard et le crabe). Attirer des nouveaux venus a été et continue d'être un défi également dans les pêcheries de l'Atlantique, non pas à cause de la location, mais en raison des prix élevés des permis dans les principales pêcheries. Ceci est fonction de la rareté (demande vs offre de permis) et de la rentabilité de la pêcherie en question à laquelle on s’attend.
- Bien qu'il puisse y avoir quelques désaccords sur la proportion de quotas loués passivement par les détenteurs de quotas inactifs et les investisseurs, il ne semble pas y avoir de désaccord au sein de l'industrie sur l'impact de cette pratique sur les pêcheurs actifs, en particulier sur le fait que cela créerait un déséquilibre dans la façon dont les risques et les bénéfices sont partagés.Footnote 38 Pour beaucoup, l'accès à la pêche se fait par le biais du quota qu'ils peuvent louer. Les contrats de location sont structurés de telle sorte que le récolteur supporte un risque financier substantiel ainsi que les risques d'exploitation habituels. Les coûts élevés de location dans plusieurs pêcheries laissent aux bateaux des revenus pour couvrir les coûts d'exploitation, tandis que les revenus nécessaires pour couvrir les besoins en capital actuels et futurs s'accumulent sous forme de profit pour le rentier détenteur de quota ou titulaire de permis.Footnote 39 La façon dont le permis est compris par la plupart de industries (voir la note 28), le titulaire de permis (exploitant) doit avoir accès au privilège de pêcher une ressource publique directement auprès de l'agence de délivrance des permis (MPO), et non par l'intermédiaire d’une agence douteuse et coûteuse d'un tiers.Footnote 40
- L'adoption d'une politique de propriétaire-exploitant strictement appliquée dans les pêcheries du Pacifique exclurait cette pratique (location à durée indéterminée), entraînant la rétention des revenus de la pêche pour soutenir les investissements indispensables dans les flottilles et les infrastructures, ainsi que l'amélioration des revenus des pêcheurs. Cela favoriserait la politique de la pêche du Pacifique, à savoir promouvoir la stabilité et la viabilité économique des opérations de pêche et encourager la répartition équitable des bénéfices. Les transferts de quotas en cours de saison et la location entre les bateaux actifs se poursuivraient, permettant aux pêcheurs d'optimiser leurs plans de pêche. Cela serait conforme à l'approche de propriétaire-exploitant dans les pêcheries de l'Atlantique où la location en saison est autorisée.Footnote 41
Les membres de la Canadian Independent Fish Harvesters’ Federation (CIFHF) de la Colombie-Britannique reconnaissent également qu'une transition vers une pêcherie fondée sur le statut propriétaire-exploitant ne peut se faire du jour au lendemain. Comme l’explique ce pêcheur qui entrevoit cette transition : Footnote 42
« À long terme, nous devons trouver un terrain d'entente et entrevoir où nous devrions en être dans 10 ans en tant qu'industrie, puis concevoir et mettre en œuvre des politiques spécifiques bien pensées qui nous permettront d'y parvenir. Je vois dans l'avenir de la Colombie-Britannique une industrie de pêche durable composée de pêcheurs et de transformateurs de poisson. Les échéanciers pour l'avenir de l'industrie doivent laisser suffisamment de temps aux investisseurs et aux pêcheurs qui prennent leur retraite pour se dessaisir de leur affaire et prendre leur retraite dans la dignité. »
3.3 Leçons tirées de ma mise en œuvre des politiques du PIFCPAC Point
Point de vue de l’industrie
Les dirigeants de plusieurs organisations membres du CIFHF ont expliqué pourquoi le processus aboutissant au PIFCPAC était devenu nécessaire, ils ont offert des conseils sur la manière de maintenir l'intégrité des politiques de séparation de la flottille et de propriétaire-exploitant :
- Le PIFCPAC était devenu essentiel parce que le MPO avait, au fil des ans, permis l'érosion des politiques principales – de propriétaire-exploitant et de séparation de la flottille - en autorisant diverses exceptions et en fermant les yeux sur les mesures prises par l'industrie pour contourner les règles, par exemple l'utilisation d'accords de fiducie. Un effort concerté des principales organisations de pêcheurs était nécessaire pour persuader le MPO de prendre des mesures. L’opinion dominante parmi ces organisations est qu’il incombe au MPO de veiller à ce que ses propres principes et politiques de gestion soient respectés et appliqués.
- La pêche en tant que source d'emplois et de revenus directs et indirects est vitale pour la stabilité économique de la communauté. Les politiques de propriétaire-exploitant et de séparation des flottilles sont essentielles pour maintenir une pêche viable et, par conséquent, les conditions pour la stabilité de la communauté.
- Le MPO accorde aux fonctionnaires de ses régions une trop grande autonomie pour déterminer comment ils appliqueront la politique de base et mettront en œuvre les mesures de gestion. De telles différences existent non seulement entre les côtes de l'Atlantique et du Pacifique, mais entre les régions du Canada de l’Atlantique. Certaines différences régionales sont compréhensibles étant donné les différences dans la façon dont les pêcheries ont évolué ; mais les mesures politiques globales doivent être appliquées et mises en vigueur de manière uniforme.
- Le MPO n’a pas eu la volonté d’appliquer le processus de suppression des accords de contrôle lorsque l’approche a été annoncée en 2007. Les organisations de pêcheurs ont dû maintenir la pression sur le ministère pour faire en sorte que les annonces soient faites. À L’avenir dans tout processus de ce type, les annonces devraient être obligatoirement faites chaque année dès le départ, qu’elles soient clairement formulées avec des sanctions adaptées en cas de manquement.
- Le MPO aurait dû réduire les exemptions puisqu’elles indiquent clairement que ceux qui enfreindraient les règles seraient récompensés pour leurs actions. Les exemptions créent un mauvais précédent. Les mêmes règles devraient s'appliquer à tous.
- L'obtention d'exemptions semble avoir récompensé les efforts des groupes de pression de ces flottilles en question. Il semblerait que les critères aient été établis après les décisions et pas avant.
- La période de sept années a été bien trop longue pour rectifier les accords de contrôle. Cela a donné à l'industrie trop de temps pour développer de nouvelles solutions de contournement du PIFCPAC. Trois à quatre ans auraient dû suffire.
Point de vue du MPO
Les fonctionnaires du MPO ont tiré trois leçons principales du processus de mise en œuvre des politiques du PIFCPAC (en toute honnêteté, il s'agit davantage de leçons confirmées que de leçons apprises) :
Un besoin d'orientations claires et cohérentes : les parties prenantes de la politique du PIFCPAC sont un groupe de quelque 13 000 titulaires de permis et de leurs équipages, des centaines de communautés dépendantes de la pêche, de nombreuses organisations de soutien bien informées (des deux côtés de la question), de nombreux groupements d’intérêts dans l'opposition et, bien sûr, le MPO lui-même. Une décennie avant de se lancer dans le processus de la Révision de la politique des pêcheries de l’Atlantique (RPPA) en 1999, le Ministère savait que la politique de séparation de la flottille devenait « … une pratique qui s’est distinguée davantage par les infractions à la politique que par son application ».Footnote 43 Plusieurs dispositifs avaient été utilisés par les transformateurs au fil des ans pour attirer et retenir les bateaux (ravitaillement) : la fourniture de glace et d'appâts, le déchargement et le camionnage, les engins de pêche, les services financiers (déclaration d'AE (assurance emploi) et déclarations fiscales), financement opérationnel et prêts pour financer l'achat de bateaux et de permis. Ce processus a abouti à l'utilisation d'accords de fiducie pour garantir l'intérêt bénéficiaire du permis (ce qui, dans la plupart des cas, signifiait garantir un flux fiable d'approvisionnement en matières premières aux prix en vigueur à terre) en contrepartie du financement ou de tout autre avantage revenant au titulaire du permis. Que le MPO ait fermé les yeux sur leur utilisation aurait semblé à l'industrie (pêcheurs et transformateurs) comme un acquiescement, ou tout au moins un message mitigé, concernant la véritable signification de la séparation de la flottille et du statut de propriétaire-exploitant.Les exploitants et leurs organisations ont exigé un renforcement des politiques de séparation de la flottille et de propriétaire-exploitant, notamment leur intégration dans la réglementation. Cela signifiait qu’il fallait clarifier ce qui était et ce qui n'était pas un « accord de contrôle », notamment les diverses exemptions et exceptions. L’exposé sur l’Analyse de l’impact de la réglementation (AIR) donne un bon aperçu des défis liés à l'élaboration d'un langage réglementaire précis.Footnote 44 Essentiellement, le concept d’AC a été élargi pour englober non seulement le contrôle sur la délivrance d'un permis de remplacement et ses implications collatérales (par exemple, accords d'approvisionnement restrictifs, pression à la hausse sur les prix des permis), mais aussi interdiction de tous les transferts sauf sur autorisation expresse.
Les représentants du MPO admettent qu'ils ont sous-estimé la complexité du passage de la politique à la réglementation, notamment les « problèmes de conformité » du régime politique actuel. Parmi ces derniers, l’exposé de l’AIR cite la perte pour les communautés côtières de bénéfices découlant des permis de pêche, les prix gonflés du marché des entreprises de pêche et les obstacles à l'entrée dans la pêche, car les nouveaux entrants potentiels ne peuvent pas facilement se permettre de devenir titulaires de permis. En établissant des critères d'admissibilité aux permis et des règles de conduite claires assujetties à des mesures d'application de la loi en vertu de la Loi sur les pêches, le MPO estime que les modifications réglementaires proposées contribueront grandement à lutter contre les pratiques qui ont miné les décisions en matière de permis.Footnote 45
- La réforme de la réglementation impose des exigences considérables en matière de ressources : plus de 20 ans se sont écoulés depuis que le MPO s'est lancé dans le RPPA. Le RPPA a abouti au PIFCPAC, dont les principales dispositions ont été incorporées dans le règlement final en décembre 2020. Les représentants du MPO indiquent qu'il s'agit d'un processus plus difficile que prévu à l'origine, nécessitant des dizaines de milliers d'heures de travail au fil des ans dans les réunions internes, la préparation de rapports et de plusieurs documents de discussion, de vastes consultations externes impliquant les parties prenantes de l'industrie de la pêche (pendant l'élaboration de la politique du PIFCPAC et la préparation des règlements proposés), le traitement des commentaires soumis par les titulaires de permis, la résolution des incertitudes et la rédaction des modifications réglementaires.
La politique et la réglementation n'éliminent pas les incitations à réalise des gains : la pêche est l'un des meilleurs exemples de l'ingéniosité des participants dans un secteur hautement réglementé pour trouver des moyens de contourner les règles lorsque les circonstances (c.-à-d., un gain financier individuel) le permettent. Les modifications réglementaires ont bloqué ces pratiques et peuvent créer de plus grands défis pour les titulaires de permis et les transformateurs/acheteurs pour atteindre leurs objectifs. Mais ils n'éliminent pour aucune des parties les incitations à réaliser des gains. Tant que ces incitations existent, on s'attend à ce que les parties (y compris les titulaires de permis) continuent d'essayer de trouver des moyens de contourner les restrictions qui entravent la réalisation de ces gains. Les arrangements entre les parties restent opaques et sont donc difficiles à contrôler.
La pêche côtière aux poissons de fond dans la région des Maritimes fait partie des pêcheries où une incitation à contourner la politique de propriétaire-exploitant a eu lieu en raison de la faiblesse économique de la pêche causée par la surcapacité préoccupante de la flottille. Une application stricte du statut de propriétaire-exploitant dans le contexte des quotas de bateaux non négociables aurait signifié une utilisation limitée des occasions de pêcher. Les titulaires de permis étant opposés aux QIT, la solution consistait à localiser l'accès et les allocations en créant des quotas communautaires et des conseils de gestion. Le regroupement des bénéfices de la récolte est autorisé dans ces pêcheries (une exemption mentionnée à la page 16 ci-dessus)
Il reste à voir si les modifications entraîneront des changements importants dans la façon dont les pêcheries côtières sont structurées et menées, et comment ces ajustements seront identifiés et mesurés. Reste à savoir si les modifications réglementaires réussissent, par exemple, à réduire la pression à la hausse sur les prix des permis, à augmenter les prix à terre ou à renforcer les communautés (bien que la mesure réelle de ces résultats soit difficile à faire étant donné la diversité des facteurs sous-jacents).
3.4 Changements apportés à la gestion des pêches du Pacifique pour mettre en œuvre des politiques sur le modèle de celles du Pacifique
Il serait nécessaire d’apporter plusieurs changements à la gestion des pêcheries du Pacifique pour mettre en œuvre en Colombie-Britannique des politiques et des règlements de pêche sur le modèle de celles de l’Atlantique. L'expérience des pêcheries de l'Atlantique fournit une excellente feuille de route de ce qu’il faudrait faire. Avec ce modèle, il serait possible de réduire le délai global menant à un cadre politique.
Recherche d'un consensus : les modifications réglementaires proposées pour l'Atlantique ont commencé avec le RPPA de 1999. Un processus similaire, La révision de la politique sur les pêches du Pacifique (RPPPP), pourrait être envisagée pour la région du Pacifique. Cela donnerait à l'industrie l'occasion de présenter son point de vue sur un ensemble de questions sur la politique (dont certaines ont été soulevées dans le rapport du Comité permanent de 2019), et pas seulement celle qui vise à renforcer l'indépendance des pêcheurs et de leurs communautés. Par exemple, le RPPA a suscité des opinions sur l'environnement, la durabilité, les pratiques de gestion, la technologie des engins de pêche et l'innovation, l'accès et l'allocation (répartition équitable), l'inclusion des Premières nations dans les pêcheries de l'Atlantique suite à l'arrêt rendu dans l’affaire R. c. Marshall, ainsi que la nécessité de revoir et de renforcer les politiques de séparation de la flottille et de propriétaire-exploitant. Certains problèmes, voire tous, peuvent justifier leur examen dans le Pacifique, et en prévision du soutien de l'industrie à une politique de propriétaire-exploitant, l'examen pourrait décider de passer en revue la politique de délivrance de permis et les avantages relatifs d’une approche basée sur les permis rattachés aux bateaux par rapport à une approche basée sur les parties.
Le RPPA a commencé par un document de discussion décrivant l'orientation de la politique et les principes. Ce document a été diffusé parmi les intervenants de l'industrie et a servi de base à une série de consultations publiques. Les résultats de ces discussions ont été enregistrés et diffusés dans un rapport intitulé « Ce que nous avons entendu ». Vraisemblablement, cette approche en C.-B. traitait les mêmes thèmes déjà abordés par le Comité permanent, mais cela permettait d'obtenir une plus grande participation des parties prenantes que ça ne l’aurait été dans le cadre d'Ottawa.
La deuxième étape consisterait à préparer et à diffuser un document de travail axé sur les questions importantes identifiées lors des consultations. Une autre série de consultations examinerait ces questions et déboucherait (espérons-le) sur des idées et des orientations de politique spécifiques pour le Ministre. La dernière étape consisterait en un document décrivant un cadre politique correspondant au PIFCPAC.
Formuler et mettre en œuvre les politiques : cette étape présenterait un défi plus grand pour les pêcheries du Pacifique que pour celles de l'Atlantique car les politiques importantes - séparation de la flottille et statut de propriétaire-exploitant - sont en place dans l'Atlantique depuis de nombreuses années (depuis 1979 pour la séparation de la flottille et le statut de propriétaire-exploitant au début des années 1980 et officialisé en 1989) avant le PIFCPAC. Avec une brève période de séparation de la flottille et seulement une courte période avec le statut de propriétaire-exploitant (1973-1979), les pêcheries du Pacifique se sont développées sans deux des aspects structurels les plus importants des pêcheries de l'Atlantique. Par conséquent, la formulation et la mise en œuvre des politiques ne sont pas une question de :
- « remettre le génie dans la bouteille » comme dans les pêcheries de l'Atlantique où les AC avaient compromis l'indépendance des pêcheurs dans environ 6 à 7% des permis du noyau indépendant ; et
- décider de limiter le nombre d'exemptions lorsque le coût des accords de dénouement dépasse les bénéfices ou vont à l'encontre des permis bénéficiant de droits acquis. Les permis actuels pour les bateaux et les parties du Pacifique peuvent être exemptées. Cela pourrait signifier une mise en œuvre par attrition sur une période de plusieurs années.
Si la justification de certaines exemptions dans les pêcheries de l'Atlantique donne une orientation, c'est-à-dire que la politique et les règlements du PIIFCAF ne seraient pas appliqués rétroactivement aux permis qui préexistaient à la mise en œuvre des politiques de séparation des flottilles et de propriétaire-exploitant, alors on pourrait argumenter que tous les permis actuels rattachés aux bateaux et basés sur les parties du Pacifique peuvent être exemptés. Cela pourrait signifier une mise en œuvre par attrition sur une période de plusieurs années.
En mettant cet argument de côté, la mise en œuvre des politiques sur le modèle de celles de l’Atlantique pour rendre plus forts les pêcheurs indépendants en Colombie-Britannique exigerait premièrement, la formulation et l'intégration de ces politiques dans le cadre plus large de la politique des pêches du Pacifique, et deuxièmement, par modification, leur incorporation dans le Règlement de pêche du Pacifique 1993 (ou l’élargissement du Règlement de pêche de l'Atlantique modifié pour lui donner un effet national). Cela nécessiterait un examen attentif en interne sur la manière dont un ensemble cohérent de politiques, telles que la séparation de la flottille, le statut de propriétaire-exploitant et l'exploitant suppléant, serait conçu et mis en œuvre dans des pêcheries qui ont évolué dans un environnement politique et réglementaire fondamentalement différent. La politique et le projet de règlement de l'Atlantique offrent un point de départ utile s'ils doivent être appliqués dans un régime où le permis est délivré à une personne plutôt qu'à un bateau. Étant donné que la politique met l'accent sur le titulaire de permis dans ce régime, il peut être judicieux de passer à cette approche (en dehors des considérations de coût). Sinon, des modifications seraient nécessaires pour s'adapter à l'approche de délivrance de permis de bateau utilisée dans la plupart des pêcheries du Pacifique.
Pour les titulaires de permis (de bateau ou personnels) qui exploitent leurs propres bateaux et pêchent dans le cadre de leurs propres permis indépendamment des autres, la façon dont ils sont gérés et fonctionnent dans un nouveau système ne changerait pas vraiment. Le défi se poserait pour les titulaires de permis dont les exploitations sont structurées de manière incompatible avec les nouvelles règles. Dans les pêcheries de l'Atlantique, les titulaires de permis qui étaient hors-jeu (opérant sous réserve d'un AC) avaient sept ans pour dénouer leurs arrangements, à moins qu'ils remplissent les critères d'exemption. Une approche similaire pourrait être utilisée dans le Pacifique, notamment l'élaboration de critères d'exemption spécifiques à la région.
Si l'expérience du modèle de l’Atlantique était utilisée comme guide, alors une exemption pourrait être envisagée pour les flottilles qui avaient subi une rationalisation et une intégration considérables avec les transformateurs, où les coûts de la conformité aux nouvelles politiques étaient mis en concurrence avec les bénéfices pour les entités de pêche/de transformation et les communautés. L'exemption peut être moins probable pour les titulaires de permis individuels (par opposition aux flottilles) ; par exemple, ceux qui perçoivent simplement une rente économique en louant leur quota plutôt que de le pêcher eux-mêmes (ils enfreindraient les dispositions du statut de propriétaire-exploitant ; l'option exploitant suppléant, si elle était disponible, offrirait une période de grâce limitée).
3.5 Mesures administratives et mise en application de la loi
L'introduction des politiques (et de la réglementation) de séparation de la flottille et de propriétaire-exploitant dans les pêcheries du Pacifique créerait des exigences administratives et d'application de la loi supplémentaires pendant la transition et les opérations en cours. En bref, des vérifications et des contrôles devraient être mis en place pour garantir que le titulaire de permis conserve à la fois un droit juridique et un droit bénéficiaire dans le permis (il n'y a pas de AC), et que le titulaire du permis est celui qui mène effectivement les opérations de pêche (sous réserve de toute autorisation d’un exploitant remplaçant).
Transition : L'approche du modèle de l’Atlantique semble appropriée. Une fois la politique et la réglementation en place et les exemptions décrites, l'étape suivante consiste à mettre en œuvre. Cela commencerait par une lettre recommandée adressée à tous les titulaires de permis concernés indiquant qu'à partir d'une date spécifiée, la région du Pacifique se convertirait aux permis basés sur les parties dans toutes les pêcheries (désignées ici sous le nom de permis personnel indépendant ou PPI).
Le PPI serait délivré à tous les titulaires de permis actuels, à condition qu'ils remplissent les conditions requises pour ce statut. Pour se qualifier, ils devraient confirmer : qu'ils sont le propriétaire d'un bateau autorisé à pêcher dans la zone de gestion de la région du Pacifique ; qu’ils détiennent un ou plusieurs permis de pêche des espèces/d'engins de pêche principaux (à déterminer) ; et ne font pas parties d’un AC (dont la définition reste à déterminer, mais la définition du modèle de l’Atlantique qui se trouve dans les modifications proposées au règlement pourrait servir de guide). S'ils font parties d’un AC (s'ils ont cédé le droit bénéficiaire du permis à un transformateur ou à un acheteur), ils disposeraient d’un nombre d'années spécifié pour dénouer l'arrangement afin de se qualifier pour le PPI. Une fois qualifiés, ils devraient confirmer leur indépendance à chaque fois qu'ils demandent la réémission du permis (annuellement ou autrement).
La première lettre informant les titulaires de permis des changements serait accompagnée d'une explication de la justification des changements avec des liens vers un site Internet fournissant plus de détails et une page de questions fréquemment posées. Les parties engagées dans un AC bénéficieraient d'une formation et d'une sensibilisation pour garantir que les titulaires de permis comprennent comment élaborer des accords et des arrangements tels que des accords d'approvisionnement, des affrètements de bateaux, etc., de manière à leur permettre de conserver les droits et privilèges du permis.
Par la suite : La tâche de contrôler les conditions générales du PPI et les politiques de soutien incomberait aux responsables des permis et aux agents des pêches dans l'exercice de leurs fonctions respectives.
Les dispositions réglementaires proposées liées à la politique sur la séparation de la flottille et à la politique de délivrance de permis aux entreprises (c.-à-d. les permis délivrés à des particuliers ou à des entreprises en propriété exclusive uniquement) seraient mises en œuvre dans le cadre du processus de délivrance des permis. Il incomberait au MPO de veiller à ce que les permis ne soient délivrés qu'à des particuliers ou à des entreprises en propriété exclusive. Les nouveaux demandeurs seraient tenus de prouver aux responsables des permis du MPO qu'ils sont admissibles à un permis de pêche. Les candidats dont les permis seraient renouvelés seraient toujours tenus de déclarer tout changement de participation majoritaire. Fournir de faux renseignements à un agent de délivrance des permis est une infraction passible de poursuites en vertu de la Loi sur les pêches.Footnote 46
Les modifications proposées concernant la disposition du statut de propriétaire-exploitant (c.-à-d. l'obligation de pêcher personnellement avec le permis) seraient appliquées par les agents des pêches qui mèneraient régulièrement des inspections sur l'eau, veilleraient à ce que le titulaire du permis soit présent à bord du bateau ou qu'un exploitant remplaçant a été autorisé par le MPO. Au moment de monter à bord d'un bateau, les agents des pêches du MPO demanderaient à voir une copie du permis ou la documentation relative à l'autorisation exploitant remplaçant. En fonction de la catégorisation des permis, l'agent des pêches serait en mesure de déterminer si certaines ou toutes les dispositions réglementaires proposées s'appliquent.
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